Le rôle des réseaux sociaux
dans la construction identitaire des adolescents

BOULOUIZ Ghizlane

Étudiante chercheuse en Linguistique et Communication
Université Mohammed Premier
Oujda, Maroc

Résumé

Le présent travail vise à explorer le rôle des réseaux sociaux dans le processus de construction de l’identité des adolescents, dans un contexte où les plateformes en ligne jouent un rôle central dans leur vie sociale. En utilisant une approche quantitative, notre recherche a recueilli des données auprès de 100 adolescents âgés de 12 à 18 ans via un questionnaire en ligne comprenant 13 questions. Nos résultats, associés à une base théorique solide, révèlent que la majorité des adolescents utilisent activement les réseaux sociaux, passant en moyenne plus de deux heures par jour sur ces plateformes, avec Facebook et Instagram comme les plus populaires. Les résultats montrent également que les réactions en ligne peuvent avoir un impact diversifié sur leur estime de soi. Les interactions en ligne influencent également la perception de soi dans la vie réelle pour la majorité des adolescents.

Abstract

The present work aims to explore the role of social networks in the identity construction process of adolescents, in a context where online platforms play a central role in their social lives. Using a quantitative approach, our research collected data from 100 adolescents aged 12 to 18 via an online questionnaire comprising 13 questions. Our results, combined with a sound theoretical basis, reveal that the majority of teenagers actively use social networks, spending on average more than two hours a day on these platforms, with Facebook and Instagram as the most popular. The results also show that online reactions can have a diverse impact on their self-esteem. Online interactions also influence self-perception in real life for the majority of teenagers.

Introduction

La société contemporaine explore de nouveaux horizons quant à la construction de l’identité individuelle, avec les réseaux sociaux émergeant comme l’un des acteurs les plus influents. La culture numérique est omniprésente dans de nombreux foyers, transcendant les barrières socio-économiques, particulièrement chez les enfants et les adolescents qui consacrent de plus en plus de temps à leur connexion internet (Dupont, 2010). Des études récentes révèlent une augmentation de 50 % du temps moyen passé sur les médias sociaux au cours des dix dernières années.

En outre, le Maroc occupe une position importante à l’échelle africaine et même mondiale en ce qui concerne l’accès à Internet et l’utilisation des réseaux sociaux. Selon les données du rapport Global Digital Insights, 33,18 millions d’internautes sont comptabilisé au Maroc en janvier 2023, représentant un taux de pénétration de 88,1%.

Pour ce qui est des réseaux sociaux, l’étude révèle que le Maroc comptait 21,30 millions d’utilisateurs de médias sociaux en janvier 2023. Les données issues des ressources publicitaires de Meta révèlent que Facebook comptait 17,30 millions d’utilisateurs au Maroc au début de 2023, tandis que les chiffres provenant de la même source indiquent qu’Instagram en comptait 8,70 millions à la même période. Cette abondance d’utilisateurs suggère une augmentation significative du temps passé sur les réseaux sociaux au Maroc.

Dans cette perspective, il est observé que la majorité des individus concernés sont des enfants et des adolescents en pleine phase de développement, une période caractérisée par des changements constants et intenses, tant au niveau psychique que physique et social (SMITH et JONES, 2012, p. 84).

Cette étape est remplie d’angoisses et de décisions cruciales qui façonneront l’avenir de ces adolescents, et qui, qu’ils soient confrontés ou non à des conflits, dépendront de leur parcours et pourraient entraîner d’éventuels troubles, principalement du comportement. Face à ce contexte, la question de la construction de l’identité des adolescents à l’ère des médias sociaux devient extrêmement pertinente, étant donné que des études montrent que cette génération évolue dans un univers dominé par les médias (JOHNSON et WILLIAMS, 2008).

Ces études affirment également que “Être jeune dans un monde connecté, c’est vivre une expérience historiquement sans précédent”. Ainsi, cet article vise à analyser le rôle des réseaux sociaux dans le processus de construction de l’identité des adolescents. Les individus subissent des transformations au fil du temps, et l’adolescence est l’une des périodes les plus impactées. C’est à ce moment-là qu’ils élaborent leur personnalité, façonnent leurs représentations d’eux-mêmes et du monde à travers leurs interactions sociales, et les médias sociaux s’intègrent pleinement dans ce contexte. Par conséquent, cette étude se concentre sur la compréhension de l’adolescent dans ce processus contemporain, prenant en compte les médias sociaux et leurs influences.

1. Cadre théorique

L’adolescence est une période de transition, un événement subjectif où commencent les transformations de la puberté. À ce stade, l’adolescent n’est ni considéré comme un enfant ni comme un adulte. Les adolescents vivent une rupture avec le passé, modifiant ainsi leur vie psychique et leur offrant de nouvelles pensées, possibilités, espoirs et craintes, ce qui entraîne de nombreux conflits (Smith et al, 2010). On constate cependant que les interactions sociales revêtent une grande importance tout au long de cette période, établissant un espace d’expérimentation et de réflexion pour une nouvelle interprétation du soi (Johnson et Caruso », 2017). Garcia et Martinez (2018) comprennent que la construction de l’identité se produit à travers l’interaction avec l’autre individu ; et l’utilisation des réseaux sociaux est considérée comme un outil pour que cela se produise. Les auteurs soutiennent que l’interaction sociale et les réseaux sociaux améliorent les relations interpersonnelles et contribuent à la construction de l’identité de l’adolescent. De cette manière, les technologies façonnent l’identité du sujet, établissant une place dans la société, permettant ainsi un discours sur la pensée et l’action du sujet.

La théorie du développement psychosocial d’Erikson (1963), élaborée dans les années cinquante, reste fréquemment mobilisée dans la littérature scientifique actuelle pour expliquer le processus de formation de l’identité individuelle.

1.1- Théories du développement de l’identité

D’après Erikson (1963), le développement psychosocial de l’être humain est un processus continu qui s’articule en huit grands stades, chacun associé à une période spécifique de la vie. L’avancée à travers ces stades est façonnée par l’interaction entre les besoins individuels et les attentes de la société liées à chaque étape de la vie, ainsi que par les interactions de l’individu avec son environnement (Erikson, 1968). À chaque étape, l’individu rencontre une “crise développementale” entraînant un déséquilibre. Pour progresser personnellement, il doit résoudre la tâche propre à chaque stade. Chacun de ces stades présente deux pôles opposés (positif/négatif) correspondant à la crise à surmonter. L’objectif n’est pas de favoriser un pôle au détriment de l’autre, mais plutôt d’atteindre un équilibre entre les deux. L’individu doit trouver sa propre résolution entre les pôles positif et négatif. Lorsqu’il réussit à résoudre la tâche développementale d’un stade avec équilibre, il intègre une force adaptative. Par exemple, entre 6 et 12 ans, l’enfant doit concilier le travail et le sentiment d’infériorité pour développer la force adaptative de la compétence (Erikson, 1963).

Bien que le développement de l’identité prenne une importance significative durant l’adolescence, il ne se limite pas à cette période (Erikson, 1968, 1980). Entre l’âge de 12 et 18 ans, les adolescents se trouvent dans le stade de “l’identité/diffusion de rôle” (cinquième stade), où ils sont confrontés aux questions fondamentales telles que “Qui suis-je ?” et “Quel est mon but dans la vie ?” (Erikson, 1963). Ils doivent non seulement découvrir leur propre identité, mais aussi maintenir une cohérence personnelle indépendamment de leur environnement (Erikson, 1963). Cette période est une phase d’exploration où les adolescents expérimentent différents rôles pour orienter leurs choix futurs et définir leurs valeurs personnelles (Cyr et al., 2015). Le défi consiste pour eux à jouer différents rôles tout en restant fidèles à eux-mêmes, car ils doivent développer une continuité et une cohérence de leur identité dans le temps (Erikson, 1963). À cet âge, les adolescents sont souvent centrés sur eux-mêmes et préoccupés par la perception qu’ont les autres d’eux. Ceux qui naviguent avec succès à travers ce stade connaissent des périodes de certitude quant à leur identité, mais peuvent également traverser des moments de confusion ou de diffusion identitaire (Erikson, 1963, 1980). Ceux qui réussissent à ce stade acquièrent la force adaptative de la fidélité, ce qui facilite le développement de relations affectives avec autrui au stade suivant (Erikson, 1968).

Erikson (1968) souligne l’importance des relations sociales dans le développement de l’identité des adolescents, car elles contribuent à forger un sentiment de soi cohérent (Erikson, 1963; Manago et al., 2008). La confiance, l’expression de soi et la loyauté sont des caractéristiques clés recherchées dans les relations amicales des adolescents (Shapiro et Margolin, 2014). Les adolescents sont souvent attirés par la compagnie de leurs pairs car ces interactions leur permettent de se définir en se reflétant dans l’image qu’ils projettent aux autres (Bell, 2019; Erikson, 1968; Shapiro et Margolin, 2014).

La validation de l’identité des adolescents est en partie déterminée par la reconnaissance sociale positive qu’ils reçoivent de leurs pairs (Bertin, 2019; Martin, Wilson, Anderson et Chen, 2018). En revanche, les difficultés relationnelles avec les pairs ont un impact négatif sur le processus de construction identitaire des adolescents (Martinez et Caltek, 2012). Avec la progression à travers les stades psychosociaux, la portée des relations sociales s’élargit graduellement, favorisant ainsi le développement individuel (Erikson, 1968). Le début de l’âge adulte revêt également une importance capitale pour le développement de l’intimité individuelle (Erikson, 1968). Le sixième stade psychosocial de la théorie d’Erikson (1963), le stade “intimité/isolement”, qui se déroule entre 18 et 30 ans, marque une période où l’identité individuelle devient progressivement plus claire mais n’est pas encore entièrement établie. Durant cette phase, le jeune adulte cherche à cultiver sa capacité à établir des liens intimes, tant avec lui-même qu’avec les autres. Lorsque ce stade est surmonté avec succès, le jeune adulte aspire à maintenir des relations sociales significatives tout en accordant moins d’importance à la compagnie constante des pairs, préférant des moments de solitude pour se retrouver. Il développe des relations plus profondes qui lui permettent de partager un niveau d’intimité plus élevé avec certaines personnes, favorisant ainsi son développement personnel (Erikson, 1963, 1968). Cependant, lorsque le cinquième stade n’est pas pleinement réalisé et que l’identité reste floue, le jeune adulte peut suivre deux trajectoires distinctes. Soit il s’efforce de développer une intimité avec lui-même, soit il recherche constamment la présence d’autrui. Dans ce dernier cas, l’intimité devient difficile à atteindre et l’individu risque de s’isoler, entretenant des relations sociales superficielles plutôt que significatives (Erikson, 1968).

Diverses théories sur le développement de l’identité ont émergé des travaux d’Erikson (1963), notamment celles de Marcia (1966) et de Côté (2002). Marcia (1966) a avancé que l’identité individuelle se forge à travers un processus de questionnement et d’engagement (Marcia, 1980; Subrahmanyam et Smahel, 2011). Les adolescents, par le questionnement, remettent en cause leurs valeurs et leurs choix passés, prenant ainsi des décisions cruciales. Une fois cette période de questionnement achevée, les individus sont incités à s’engager dans un rôle spécifique et à investir dans leurs choix (Kroger et Marcia, 2011). Marcia (2002) rejoint Erikson (1963) en soutenant que le développement identitaire est un processus qui s’étend sur toute la durée de vie, mais il souligne également les périodes de stabilité et d’instabilité, car l’identité évolue et se transforme tout au long de la vie (Marcia, 1966, 1980). Enfin, Côté (2002) avance que le développement de l’identité se déroule à travers un processus d’individualisation. Ce continuum oppose l’individualisation par défaut, caractérisée par une conformité aux idées des autres individus, à l’individualisation développementale, où l’individu donne un sens à sa vie et possède un fort sentiment d’estime de soi et de contrôle interne (Côté, 2002).

1.2- Développement humain pendant l’adolescence

La période de l’adolescence, phase cruciale du développement humain, est marquée par une profusion de changements au niveau physique, neurochimique, cognitif, émotionnel et comportemental. Cette transition est influencée par les tâches et les exigences de l’environnement dans lequel évoluent les adolescents. Ces derniers sont confrontés à une augmentation significative de l’interaction sociale avec leurs pairs, à une perception accrue d’eux-mêmes et au développement de leurs compétences et aptitudes. Ils construisent leur propre identité et établissent leurs valeurs de vie, tout en prenant des décisions importantes concernant leur avenir professionnel (Dubois et al, 2017).

Au cours de cette phase, qui s’étend généralement de dix à dix-neuf ans, les adolescents connaissent une croissance physique et un développement sexuel rapides. Parallèlement à ces transformations intenses qui façonnent leur nouvelle identité, l’attention des jeunes sur leur image corporelle s’intensifie également. Ces préoccupations, souvent associées à des distorsions relatives au poids et au corps, peuvent engendrer des changements psychologiques liés à la perception et à la coordination motrice (« Smith et al », 2010).

Selon Johnson et Caruso (2015), l’adolescence est largement perçue comme une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, caractérisée par une série de changements physiques, cognitifs, émotionnels et sociaux dans leur développement, qui prennent des formes diverses selon les contextes sociaux, culturels et économiques. L’un des changements physiques majeurs qui définissent cette étape est l’arrivée de la puberté, un processus débutant généralement vers l’âge de 13 ans, marqué par l’atteinte de la maturité sexuelle et de la capacité de reproduction. Cependant, pour « Garcia et Martinez » (2013), à ce stade, les adolescents entrent dans la dernière phase du développement cognitif, appelée stade formel-opérationnel par Piaget, caractérisé par la capacité de penser de manière abstraite.

Du fait de son statut de phase d’instabilité émotionnelle et de croissance rapide, avec des changements physiques et psychosociaux importants , l’adolescence représente une période de transition vers une nouvelle relation avec le monde adulte. Les adolescents sont confrontés à des conflits personnels et familiaux, à des questionnements et à de l’ambivalence. Cette période est souvent associée à des “moments naturellement dépressifs et conflictuels”, certains auteurs allant jusqu’à qualifier l’adolescence de processus de deuil ou de dépression, caractérisé par le deuil de l’enfance et l’affirmation de l’adolescent dans le monde adulte (Taylor et al , 2007).

Selon Martinez et al (2017), les technologies jouent aujourd’hui un rôle crucial dans la vie quotidienne, avec l’avènement d’Internet et d’autres avancées technologiques qui modifient la manière de penser et d’agir dans différents aspects du comportement humain. Les réseaux sociaux en ligne, en particulier, ont transformé la nature des interactions sociales entre les individus. L’usage croissant d’Internet suscite ainsi un débat intense sur son impact sur le comportement social, en particulier chez les adolescents.

1.3- Les réseaux sociaux, une source de préoccupation ou une opportunité ?

Le schéma de communication se déploie selon le modèle suivant : émetteur > message > récepteur. Ainsi, les médias, notamment les réseaux sociaux, agissent en tant qu’émetteurs, le contenu ou l’information constituant le message, tandis que l’adolescent représente le récepteur. Ces plateformes médiatiques visent à informer les individus sur des sujets qui les intéressent ; aujourd’hui, nous sommes tous conscients de l’importance de rester connectés. Cependant, la question cruciale est de comprendre comment ce message est reçu et traité par l’adolescent lors d’une période aussi instable et délicate (Martin et Durand, 2010).

Il est néanmoins évident qu’il est nécessaire de limiter l’usage des réseaux sociaux afin d’éviter des conséquences négatives et de ne pas exposer les jeunes. Le contenu diffusé par les médias peut avoir un impact sur les destinataires, en particulier les adolescents, ainsi que sur la relation qu’ils entretiennent avec ce que l’on nomme les influenceurs sur Internet, dont les effets se répercutent sur leur comportement et leur développement social, cognitif et affectif (Lopez et al , 2012). Les médias et les réseaux sociaux ne sont pas des facteurs décisifs dans la formation de l’adolescent, mais leur influence sur leur comportement et leur construction personnelle est indéniable (Fernandez et al, 2012).

Selon Sanchez et Ramirez (2012), les réseaux sociaux représentent des structures ouvertes capables d’intégrer de “nouveaux nœuds”, partageant les mêmes codes de communication. Cette ouverture englobe non seulement les demandes des consommateurs, mais également une multitude d’intérêts, de valeurs et de croyances, avec un énorme potentiel pour établir des relations interpersonnelles. Cependant, ces plateformes ont également un fort potentiel pour favoriser un mode de vie sédentaire, des difficultés cognitives, un manque d’intérêt, et peuvent amplifier les troubles de l’attention, les obsessions, l’anxiété, ainsi que les problèmes de langage, ce qui influe directement sur le processus d’apprentissage (Oliveira et al , 2017).

1.4- Identité à l’adolescence : L’influence des réseaux sociaux sur le processus de construction

Durant l’adolescence, l’élaboration de l’identité personnelle émerge comme l’une des missions les plus cruciales, marquant l’évolution de l’adolescent vers l’âge adulte, caractérisé par la productivité et la maturité. La construction de cette identité est façonnée par des influences interpersonnelles et culturelles, qui convergent vers la formation des valeurs et de la trajectoire de l’adolescent (SMITH-JONES et al., 2003). À ce stade, la quête d’identité intègre des dimensions professionnelles, sexuelles et axiologiques. Erik Erikson a conceptualisé “le dilemme psychosocial de l’adolescence comme une confusion entre identité et diffusion de l’identité” (JOHNSON, 2013).

La notion de fidélité émerge comme une vertu cruciale dans cette lutte, pour les adolescents qui parviennent à résoudre efficacement leurs crises identitaires. Dans le processus d’individuation, les adolescents aspirent à acquérir autonomie et identité propre, à réduire leur temps passé en famille, à s’isoler davantage, à éprouver moins d’intimité fraternelle, préférant trouver affection, soutien et attention au sein de leurs pairs. Ils établissent ainsi des liens intimes qui façonneront les étapes futures de leur développement (JOHNSON, 2013).

À l’heure actuelle, Internet constitue l’un des principaux outils offerts par la culture pour l’inclusion sociale des adolescents. Il leur permet de socialiser de manière rapide et aisée, ce qui explique l’essor de l’utilisation des réseaux sociaux par un nombre croissant d’adolescents, modifiant ainsi les modes d’interaction entre eux. Ces plateformes sont devenues des catalyseurs essentiels du développement, offrant des expériences et des émotions diverses et multiples (GARCIA et MARTINEZ, 2017).

Concernant la corrélation entre les réseaux sociaux et la formation de l’identité adolescente, d’après Smith (2017), le “lien avec la technologie, avec ses capacités de communication, de mise en avant d’images et de partage d’opinions”, peut servir comme un moyen d’attirer l’attention et d’accroître la popularité auprès des pairs. Les réseaux sociaux deviennent un vecteur de diffusion du style de vie individuel, qui, à l’adolescence, peut refléter les valeurs et les préférences personnelles, ou être dicté par le groupe social, véhiculant des idéologies et des conceptions qui ne correspondent pas nécessairement aux croyances de l’adolescent.

Toutefois, cette dynamique peut générer de la confusion et des difficultés dans la consolidation de l’image de soi, de l’efficacité personnelle et, surtout, altérer l’estime de soi des adolescents. En effet, ces derniers cherchent simplement à consolider leur identité, que ce soit à travers des publications, l’expression de leurs idées ou la création de liens avec autrui (SMITH, 2017). En outre, White et Brown (2015) expliquent qu’avec l’avènement des technologies, les réseaux sociaux sont devenus des outils fondamentaux pour l’interaction interpersonnelle, permettant aux utilisateurs d’échanger des informations et de communiquer, tout en favorisant l’exploration des identités et l’établissement de relations avec autrui.

Étant donné l’importance du développement identitaire chez les jeunes et la popularité croissante des RS parmi ce groupe démographique, cet article se penche sur les questions suivantes : les réseaux sociaux entravent-ils ou facilitent-ils le processus de construction identitaire des adolescents ? De quelle manière les réseaux sociaux influent-ils sur leur développement identitaire?

2. Méthodologie

Pour étudier l’impact des réseaux sociaux sur la construction de l’identité des adolescents, nous avons utilisé un questionnaire en ligne, réalisé à l’aide de l’outil “Google Forms”. Ce questionnaire a été élaboré par nos soins. Il contenait treize questions et a été diffusé via les réseaux sociaux, les courriels et les invitations téléphoniques. Nous avons obtenu 100 réponses à la diffusion du questionnaire sur les réseaux sociaux. La méthodologie adoptée dans cette recherche est de nature descriptive, avec une approche quantitative, visant à comprendre le rôle des réseaux sociaux dans le processus de construction de l’identité des adolescents. La question principale était de déterminer si les répondants utilisaient fréquemment les réseaux sociaux, afin d’évaluer l’influence des réseaux sociaux sur leurs identités. Les réponses ont également révélé des éléments importants tels que les profils suivis et les sujets recherchés sur cette plateforme. En ce qui concerne les aspects socio-émotionnels, nous avons exploré les principaux sentiments éprouvés lors de l’utilisation des médias sociaux. Étant donné que les questions ont été collectées en ligne, il n’a pas été possible d’établir un contact direct avec les jeunes pour approfondir leur pensée et leurs intentions. Après l’analyse des données, les discussions ont été guidées à la fois par les questions de recherche et par le cadre théorique, ce qui a permis d’évaluer et d’organiser les réponses recueillies. Ensuite, les données ont été compilées dans le programme “Google Forms” pour une meilleure compréhension de l’influence des réseaux sociaux sur la construction de l’identité des adolescents.

2. Analyse et discussions des résultats

Pour recueillir des informations auprès des adolescents participant à l’étude, un questionnaire en ligne a été utilisé comme instrument principal, contenant 13 questions. L’échantillon était composé de 100 adolescents, dont 51(51, %) de sexe féminin,49 (49 %) de sexe masculin.

Concernant la démographie, les répondants étaient répartis de manière assez équilibrée entre les tranches d’âge, avec une légère prédominance des jeunes adultes de 18 ans ou plus (46%), suivis par ceux de 12 à 14 ans (28%) et de 15 à 17 ans (26%).

Figure 1 :

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Sébastien-Lefebvre et al. (2003) mettent en lumière que l’adolescence est un concept relativement récent dans notre société. Toutefois, la définition de celui-ci englobe les transformations psychosociales qui accompagnent les changements physiques et la modification de l’image corporelle, lesquels sont influencés par des caractéristiques spécifiques liées à l’environnement socioculturel de l’individu. Déterminer un âge précis auquel un individu cesse d’être considéré comme un enfant pour devenir un adulte s’avère ardu, car cela dépend largement de la culture, de l’époque et du lieu où cet adolescent évolue.

En ce qui concerne le temps passé sur les réseaux sociaux, une part significative des répondants consacrait plus de 2 heures par jour à ces plateformes, avec une minorité passant moins d’une heure (9%) et la majorité (26%) passant plus de 4 heures. Cette tendance a une influence directe sur la construction de l’identité des adolescents.

Figure 2 :

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Les réseaux sociaux les plus populaires parmi les répondants étaient Facebook (35,4%) et Instagram (34,3%), suivis de TikTok (23,2%), tandis que Snapchat et Twitter étaient moins utilisés. Ces statistiques reflètent les tendances actuelles parmi les adolescents en ce qui concerne les plateformes de médias sociaux les plus populaires. La prédominance de ces plateformes suggère qu’elles jouent un rôle central dans la vie en ligne des adolescents et peuvent donc avoir un impact significatif sur leur identité et leur bien-être.

Figure 3 :

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En ce qui concerne l’impact sur le sentiment d’appartenance et l’identité, les résultats de la question suivante « Dans quelle mesure les réseaux sociaux contribuent-ils à votre sentiment d’appartenance à un groupe ou une communauté en ligne ? » ont montré une variabilité dans la manière dont les réseaux sociaux contribuent au sentiment d’appartenance. Une proportion significative de répondants (49%) signalent une contribution positive, tandis que d’autres expriment une neutralité (33%) ou même une contribution négative (23%). Cette diversité de réponses souligne que les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle différent dans la construction du sentiment d’appartenance en ligne pour différents individus, ce qui peut être influencé par des facteurs tels que le type de contenu partagé et les interactions sociales.

Figure 4 :

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Pour la question « Avez-vous déjà modifié votre comportement ou votre image en ligne pour correspondre à celle des autres sur les réseaux sociaux ? » Les données révèlent que près de la moitié des répondants (52%) ont modifié leur comportement ou leur image en ligne pour correspondre à celle des autres, même si ce n’était que parfois. Ces statistiques mettent en lumière la pression sociale perçue par de nombreux adolescents pour se conformer aux normes en ligne, ce qui peut avoir des implications sur leur bien-être émotionnel et leur développement de l’identité.

Selon plusieurs études empiriques, les adolescents utilisent les réseaux sociaux pour développer et maintenir des connexions avec leurs pairs, ce qui renforce leur sentiment d’appartenance à des groupes en ligne (Valkenburg & Peter, 2011). Des recherches ont également montré que les adolescents accordent une grande importance à l’approbation sociale en ligne, ce qui peut les amener à ajuster leur comportement pour correspondre aux normes de leur groupe (Tiggemann & Slater, 2014).

Figure 5 :

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Dans le même ordre d’idées on’ a posé la question suivante : « Pensez-vous que les interactions en ligne sur les réseaux sociaux ont un impact sur votre perception de vous-même dans la vie réelle ? » Les résultats montrent que la majorité des répondants (51%) pensent que les interactions en ligne ont un impact sur leur perception de soi-même dans la vie réelle, même si cette perception varie en intensité. Cette constatation souligne l’interconnexion entre l’identité en ligne et l’identité hors ligne chez les adolescents. Les interactions en ligne peuvent influencer la façon dont les adolescents se perçoivent et sont perçus par les autres dans la vie réelle, ce qui souligne l’importance de promouvoir une utilisation consciente et réfléchie des réseaux sociaux pour favoriser un développement sain de l’identité.

Figure 6 :

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D’un autre côté, on’ à demander aux adolescents de répondre à la question suivante : « Comment les réactions ou les commentaires que vous recevez sur vos publications en ligne affectent-ils votre estime de soi ? ». Les données révèlent une gamme d’effets sur l’estime de soi, avec des réponses variant de l’augmentation de la confiance à des sentiments de malaise ou de dévalorisation. Une proportion significative (30,6%) des répondants déclarent ne pas prêter attention aux réactions ou aux commentaires. Cette diversité de réponses souligne l’importance des interactions en ligne sur le bien-être émotionnel des adolescents. Les adolescents peuvent être sensibles aux réactions et aux commentaires reçus sur leurs publications, ce qui peut influencer leur perception de soi et leur bien-être mental.

Figure 7 :

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Plusieurs études ont démontré que l’utilisation intensive des réseaux sociaux peut avoir un impact sur l’estime de soi des adolescents. Par exemple, une étude de Kross et al. (2013) a montré que l’utilisation de Facebook peut être associée à des sentiments de dépression et de solitude chez les adolescents, en partie en raison de la comparaison sociale et de l’autopromotion excessive.

En ce qui concerne l’influence sur l’exploration et l’expression de l’identité, la question suivante a été posé « Dans quelle mesure les réseaux sociaux ont-ils influencé votre exploration et votre expression de votre identité, en particulier en ce qui concerne des aspects tels que la sexualité, les croyances religieuses ou politiques, ou les intérêts personnels ? ». Les réponses montrent une variabilité dans la manière dont les réseaux sociaux ont influencé l’exploration et l’expression de l’identité des répondants. Certains adolescents (38%) signalent une forte influence, tandis que d’autres (27%) expriment une influence moyenne à faible. Cette diversité de réponses souligne que les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle différent dans la construction de l’identité des adolescents, en fonction de divers facteurs tels que la personnalité, les intérêts et l’environnement social.

Figure 8 :

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Les travaux de recherche de Valkenburg & Peter, (2007) ont montré que les réseaux sociaux peuvent fournir un environnement propice à l’exploration et à l’expression de l’identité des adolescents, offrant des opportunités pour se connecter avec des pairs partageant des intérêts similaires et pour affirmer leur individualité (Valkenburg & Peter, 2007).

Pour s’approfondir dans notre analyse sur ce sujet on a posé la question suivante « Pensez-vous que les réseaux sociaux offrent un espace sûr pour expérimenter différentes facettes de votre identité, ou pensez-vous qu’ils peuvent parfois être restrictifs ou contraignants ? » Les réponses des adolescents montrent une diversité de perspectives, avec certains considérant les réseaux sociaux comme un espace sûr pour expérimenter différentes facettes de leur identité (14%), tandis que d’autres pensent qu’ils peuvent parfois être restrictifs ou contraignants (41%).

Figure 9 :

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Les réseaux sociaux peuvent être perçus comme offrant un espace sûr pour expérimenter différentes facettes de l’identité, car les individus peuvent contrôler la quantité et le type d’informations qu’ils partagent, ainsi que les audiences avec lesquelles ils les partagent (Zhao et al., 2008). Cependant, les réseaux sociaux peuvent également être restrictifs ou contraignants, en imposant des normes sociales ou en encourageant la comparaison sociale, ce qui peut influencer la manière dont les adolescents se présentent en ligne (Goffman, 1959).

Enfin, en ce qui concerne les interactions avec des personnes partageant des intérêts similaires ou des identités similaires, les résultats ont montré une diversité dans les comportements, avec une proportion relativement égale de répondants rejoignant des groupes en ligne, participant à des discussions, suivant des comptes pertinents, ou créant du contenu en lien avec leurs intérêts, tandis qu’une minorité (25%) n’était pas active dans ce type d’interactions.

Une étude de Nesi et Prinstein (2015) a montré que les interactions positives avec des pairs en ligne peuvent être associées à un meilleur fonctionnement social et émotionnel chez les adolescents. Cependant, les interactions négatives en ligne, telles que la cyberintimidation, peuvent avoir des conséquences néfastes sur le bien-être mental des adolescents (Tokunaga, 2010).

Conclusion

Analyser l’impact des réseaux sociaux sur la formation de l’identité des adolescents à travers les données collectées s’est révélé être un défi. En effet, étant donné qu’il ne s’agissait pas d’entretiens en personne mais plutôt d’interactions sur les réseaux sociaux, saisir pleinement cette influence nécessitait un contact direct. Il était crucial de rencontrer les adolescents en personne pour observer leur comportement, comprendre leur présentation de soi, et appréhender le développement de leurs pensées et de leur jugement. Malgré cette limitation, les réponses recueillies ont été précieuses pour l’étude.

Ainsi, l’étude révèle que la majorité des adolescents utilisent activement les réseaux sociaux, passant en moyenne plus de deux heures par jour sur ces plateformes, avec Facebook et Instagram comme les plus populaires. Bien que les réseaux sociaux puissent renforcer le sentiment d’appartenance en ligne pour certains, près de la moitié des adolescents ressentent une pression pour ajuster leur comportement en ligne afin de se conformer aux normes perçues. Les réactions et les commentaires sur les publications en ligne ont un impact diversifié sur l’estime de soi des adolescents, allant de la renforcer à la diminuer. En parallèle, les interactions en ligne influencent la perception de soi dans la vie réelle pour la majorité des répondants, soulignant l’interconnexion entre l’identité en ligne et hors ligne. De plus, les adolescents utilisent les réseaux sociaux pour explorer et exprimer leur identité, mais cette influence est variable, certains considérant les réseaux sociaux comme un espace sûr pour expérimenter différentes facettes de leur identité, tandis que d’autres les trouvent restrictifs ou contraignants.

Selon le cadre théorique, les réseaux sociaux ont gagné en popularité auprès des adolescents, offrant une plateforme de communication qui leur permet d’explorer diverses opportunités en ligne. Cela inclut l’envoi de photos à leurs amis, l’accès à des informations et la participation à des discussions sur des sujets pertinents pour leur vie quotidienne.

L’Internet exerce donc une influence considérable sur la vie des adolescents, notamment sur la construction de leur identité en constante évolution. Les transformations typiques de l’adolescence engendrent des incertitudes face à une multitude de changements, ce qui se reflète dans le processus de construction de l’identité. Néanmoins, les résultats de la recherche soulignent la nécessité d’approfondir ce sujet. Il est crucial de mener de nouvelles études pour une compréhension approfondie du rôle des réseaux sociaux dans la vie des adolescents, en particulier en ce qui concerne la construction et l’affirmation de leur identité.

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