Analyse sémiotique d’un conte rifain (Buya) la fille aux pierres précieuses

Docteur en linguistique et traduction
Laboratoire Société, Discours et Transdisciplinarité
Faculté Pluridisciplinaire de Nador, MAROC

Résumé

Cette étude se penche sur la manière dont la signification d’un discours contique se construit à travers l’usage de schémas narratifs. En s’appuyant sur les concepts narratifs développées par Algirdas Julien Greimas et les programmes narratifs établis par Joseph Courtés, elle explore comment ces structures influencent la progression du récit et la transformation des personnages. Méthodologiquement, l’analyse repose sur l’identification des actants, des fonctions narratives et des oppositions des parcours. L’analyse du contenu révèle que les personnages principaux, le sujet et l’anti-sujet, subissent des transformations notables au cours de leur parcours, passant d’un état initial de à un état final. Cette évolution est le reflet des schémas narratifs qui façonnent leur cheminement et leurs interactions. Nous appliquons cette approche à l’étude du conte « Buya », en mettant en lumière les parcours contrastés des protagonistes. L’analyse montre que Bouya, la protagoniste, évolue positivement grâce à sa patience et à son respect des valeurs morales, contrairement à sa demi-sœur, dont l’arrogance et l’impolitesse entraînent une fin désastreuse. En examinant ces parcours opposées, l’étude illustre comment les schémas narratifs influencent la construction du sens et la dynamique des personnages dans le récit contique, révélant les valeurs et les leçons morales implicites véhiculées par le récit contique.

Mots-clés : Signification – discours contique – schéma narratif – transformation – parcours opposé.

Abstract

This study examines how the meaning of a fairy tale discourse is constructed through the use of narrative schemas. Drawing on the narrative concepts developed by Algirdas Julien Greimas and the narrative programs established by Joseph Courtés, it explores how these structures influence the progression of the story and the transformation of characters. Methodologically, the analysis is based on identifying actants, narrative functions, and oppositions in the characters’ journeys. The content analysis reveals that the main characters, the protagonist and the antagonist, undergo notable transformations throughout their journeys, moving from an initial state to a final state. This evolution reflects the narrative schemas that shape their paths and interactions. We apply this approach to the study of the tale “Buya,” highlighting the contrasting journeys of the protagonists. The analysis shows that Bouya, the protagonist, progresses positively due to her patience and adherence to moral values, whereas her half-sister’s arrogance and impoliteness lead to a disastrous end. By examining these opposing paths, the study illustrates how narrative schemas influence the construction of meaning and character dynamics in the fairy tale, revealing the implicit values and moral lessons conveyed by the story.

Keywords: Meaning – folk tale discourse- Narrative scheme – transformation – opposite path.

Introduction :

Les contes constituent une riche part du patrimoine folklorique des peuples, véhiculant des idéaux de justice et de victoire sur les forces du mal, imprégnés d’humanisme et d’optimisme. À travers leurs multiples formes, ils représentent un véritable chemin initiatique, fondé sur des représentations, des normes et des valeurs ancestrales, mettant en lumière des aspects essentiels de la condition humaine. Simple dans sa narration et souvent anonyme, le conte se distingue par sa diversité formelle tout en préservant son essence, ancré dans la tradition orale de notre héritage littéraire. Il rappelle les veillées d’autrefois et d’autres occasions de rassemblement et de récit, et incarne un univers de valeurs issus de l’imaginaire populaire, transmis de génération en génération pour relier passé, présent et futur. Il donc «bâti sur la continuité et la transmission transgénérationnelle.» (Stefano Monzani, 2005 : 595). Structuré de manière universelle, le conte utilise l’imagination créatrice, intégrant des éléments surnaturels et des héros idéalisés pour explorer les préoccupations philosophiques et existentielles des hommes. Il demeure ainsi «un miroir dans lequel la société s’observe et se voit à la fois telle qu’elle est réellement, avec son décor et ses institutions familières, mais aussi telle qu’elle se souhaite au travers de ses héros idéalisés aux pouvoirs merveilleux.» (G. Calame-Griaule, 1987 : 11). Les auditeurs trouvent dans le conte un refuge, ravivant l’espoir chez ceux qui l’avaient perdu en s’identifiant aux personnages fictifs ayant surmonté de multiples épreuves pour recevoir leur récompense.

Le conte, souvent de courte longueur, présente des faits imaginaires dans plusieurs versions, partageant une structure commune tout en variant dans les détails. Anonyme et enraciné dans la société, il « produit ces ensembles signifiants que nous appelons ‘culture’ ou ‘discours social.» (Coquet Jean Claude, 2002 : 9). Ce trésor décrit la société en exprimant « par des moyens très simples et très frustres les images et les sentiments dont vit l’humanité tout entière » (Van Gennep Arnold, 1910 : 20), reflétant ainsi les croyances, les pensées et la culture.

Résumé du conte :

Le conte de Bouya raconte l’histoire d’une jeune fille vivant avec sa belle-mère et sa demi-sœur, après le départ de son père en pèlerinage. La marâtre favorise sa propre fille en lui donnant toutes les bonnes choses tandis que Bouya reçoit les tâches et les objets usés. Un jour, la belle-mère envoie les deux filles chercher de l’eau à la rivière avec pour récompense de la nourriture pour celle qui reviendra la première (manger dans la louche de son père). Bouya, malgré ses efforts, voit son tamis emporté par la rivière. En cherchant à le récupérer, elle rencontre successivement une femme qui lui demande de l’aider à laver le linge en échange d’orientations, puis un berger qui veut qu’elle guide son troupeau. Chaque fois, elle présente de l’aide sans hésiter. Elle arriva finalement chez une vieille femme nommée « Tante Friha », Bouya, humble et respectueuse, fut nourrie et logée confortablement grâce à ses modestes demandes, elle reçoit alors de la nourriture.  Elle repart le lendemain avec un sac rempli de trésors offert par la vieille femme, qui reconnaît la bonté de Bouya. Plus tard, la belle-mère, envoie sa propre fille à la rivière avec la même quête. Cette fille, arrogante et refusant d’aider les autres, finit par recevoir un sac rempli de serpents et d’araignées au lieu du trésor. Sa méchanceté est ainsi punie. À son retour, le père découvre la vérité grâce aux dires de Bouya. La belle-mère et sa fille sont chassées du foyer, et Bouya et son père vivent désormais heureux avec les trésors apportés.

Présentation du conte « Buya »

Il s’agit d’un conte de sagesse qui transmet un message clair : la bonté engendre la richesse et assure la sécurité matérielle, tandis que la haine entraîne des conséquences néfastes. La logique du récit guide le destin de ceux qui cultivent la bonté, la sagesse et la gentillesse. Il illustre les thèmes de la récompense pour la bonté et de la punition pour la méchanceté, en montrant comment l’héroïne embrasse pleinement les valeurs sociales.

Le dit conte représente une structure limpide ; il correspond à la structure classique du conte T 480 de la classification d’Aarne et Thompson, une configuration narrative qui façonne le conte en deux entités symétriques, tissant les parcours tout à fait opposés des deux protagonistes (la fille et la belle-fille).

En voici, en détails,  le parcours de chacune :

Le parcours de la “jeune fille vertueuse (modeste)”

–      Sous l’instigation de sa belle-mère, elle partit pour puiser de l’eau ;

–      Elle s’éloigne du foyer à la recherche de sa quête;

–      Sur chemin, elle croise deux individus à qui elle demande le chemin avec courtoisie ;

–      Arrivée près d’une maison, elle est accueillie par une vieille femme qui  la soumet à une série d’épreuves (le choix de la nourriture, le choix de lieu pour passer la nuit et la conduite avec le chat Massaud);

–      En récompense de sa vertueuse conduite, elle obtient une gratification ;

–      Elle retourne chez elle, accompagnée d’innombrables richesses « tarzem txancet nni x uɛrur n Buya, tuf itt tɛemmar s arzeq d lwiz » (sa belle-mère s’étonna en ouvrant le sac et le découvrant plein de biens et de perles.)

Le parcours de la fille dévoyé ” (orgueilleuse)”

–      Poussée par la jalousie de sa belle-mère, cette dernière partit pour acquérir les mêmes richesses ;

–      La jeune fille s’éloigne alors du foyer familial ;

–      En route, elle recroise les mêmes individus à qui elle demande le chemin mais par manque de respect ;

–      Arrivée près de la maison, elle est accueillie par la même vieille femme qui  la soumet à une série d’épreuves (le choix de la nourriture, le choix de lieu pour passer la nuit et la conduite avec le chat Massaud); Elle subit une punition de la part du chat;

–      Finalement, elle rentre chez elle, accompagnée de détritus et de déchets « taṛẓem itt tuf itt teccur s tɣardmiwin d ifiɣran » (elle ouvrit le sac et le trouva plein d’araignées et de serpents).

Ses deux parcours annoncent que le conte n’est pas seulement une voix pour la distraction, la détente par les événements fictifs qui la composent mais au contraire, il sert à régler des problèmes, à apaiser les circonstances de la vie et à changer des conduites, il acquiert alors par ce, une fonction éducative car il comporte des enseignements à travers le principe d’opposition.

D’après la sémiotique, le récit est décrit comme une transformation entre deux états successifs et distincts (Joseph Courtès, 1991 : 72). En d’autres termes, il représente le passage d’un état initial à un autre, d’une situation à une autre. La sémiotique définit ainsi l’énoncé élémentaire comme une relation fonctionnelle entre le Sujet (être et principe actif) et l’Objet (position formelle déterminée par l’intersection de toutes ses relations).

Analyse sémiotique du conte Buya :

Dans cette étude, nous nous focaliserons sur l’analyse approfondie de la structure narrative du conte “Buya”, afin de dévoiler sa signification profonde et de mettre en lumière le programme narratif tel que conceptualisé par Greimas et Courtès. Notre objectif est d’appliquer la méthode de Greimas pour examiner les structures manifestes, en particulier les schémas narratifs et actantiels qui constituent les fondements de la narration. Cette démarche nous permettra d’explorer en détail les différents niveaux d’analyse présents dans le conte étudié. Nous concentrerons notre attention sur les actants impliqués dans l’intrigue narrative et leurs rôles thématiques dans le récit, afin de mieux comprendre comment ces éléments contribuent à la construction narrative et à la transmission des valeurs symboliques et sociales.

Schéma narratif canonique :

L’approche de la logique narrative repose sur le modèle actantiel et le schéma narratif, aussi connu sous le nom de schéma canonique, structuré en boucle avec une phase initiale de contrat ou de manipulation et se terminant par une sanction, souvent partiellement anticipée dès la manipulation. Le schéma narratif est indissociable du schéma actantiel, car ce sont les actants qui jouent des rôles clés dans l’intrigue d’un récit. Ces  phases sont décrites selon ce qui relève de l’être et ce qui relève du faire, elles sont représentées dans le tableau suivant  (Groupe d’Entreverne, 1987 : 3):

Manipulation

Compétence

Performance

Sanction

Faire-faire

Etre de faire

Faire-être

Etre de l’Etre

Relation destinateurs-

sujet opérateur

Relation sujet opérateur  –

Opération (objets modaux)

Relation

Sujet opérateur  – états (objets valeurs

Relation destinateur- sujet opérateur

Relation destinateur-

Sujet d’état

La coexistence de ces composantes sont indispensable pour la constitution du programme narratif qui se concrétise en « suite d’états et des transformations qui s’enchainent sur la base S-O (où O indique l’objet et S indique le sujet.) et de sa transformation. Le programme narratif comporte donc plusieurs transformations articulées et hiérarchisées».  (ibid, 16)

Phase de la manipulation :

Selon Courtès la manipulation ou le faire faire «  (terme qui, en sémiotique, est expurgé de toute connotation psychosociologique ou morale, et qui désigne seulement une relation factitive) » (Joseph Courtès, 1991) constitue une opération visant à susciter ce changement en utilisant divers moyens. Afin que l’action puisse se concrétiser, il est impératif que le Sujet soit incité, mobilisé ou contraint à suivre cette progression narrative. Dans la voie de la manipulation, il y a établissement d’un contrat entre destinateur et destinataire présupposé par  les trois épreuves (qualifiante, décisive et glorifiante), c’est-à-dire, la préexistence d’un contrat implicite ou explicite, sur lequel le destinateur s’appuie pour déléguer au destinataire les actions requises et pour souscrire à un ensemble de valeurs déterminées.

Tableau n°1 : la manipulation

Modalité de manipulation

Destinateur manipulateur

Destinataire manipulé

Résultat

/Faire croire/ puiser de l’eau dans le tamis

La marâtre jouant le rôle d’anti-destinateur

Buya

Négatif (Perte du tamis et errance de la fille)

/Faire savoir/ l’endroit où se trouve le tamis

La laveuse de linge

Buya

Positif (découvrir l’itinéraire du tamis)

/Faire savoir/ l’endroit où se trouve le tamis

Le berger

Buya

Positif (poursuivre l’itinéraire

Faire manipulateur (phrase prononcée par la fille)

Buya

Tante Friḥa

Positif (accueil chaleureux de la fille)

/Faire croire/ (entrer de la fenêtre, dormir avec les bovins et caprins et manger du pain d’orge.

La femme

La fille (Buya)

Positif entrer par la porte, dormir avec les humains (enfants) et manger du pain de blé avec du beurre frais.

Le conte Buya, qui contient grosso-modo le motif de la belle-fille maltraitée par sa marâtre, est manipulée par sa belle-mère par  le faire-croire puiser de l’eau par le biais d’un tamis, chose qui est impossible mais la naïveté de la fille et son innocence manipule la vieille femme dotée du pouvoir-faire, cela règle sa prédestiné qui la fait munir de perles d’or. Nous sommes en face de deux programmes narratifs : celui de Buya en tant que héroïne et celui de la belle-sœur assumant le rôle de l’anti-sujet. La manipulation est réalisée par des sujets manipulateurs en tant que destinateur manipulateur qui peuvent devenir manipulé.

Il importe de souligner que dans ce conte, pour l’expulsion, les personnages impliqués dans ce programme sont la belle-mère et le père qui établissent un contrat judiciaire qui se manifeste de manière implicite dans à travers la signification dévoilée. Cette dernière résulte du puisement de l’eau au moyen d’un tamis qui n’est point destiné à cette entreprise, récipient offert à la belle-fille, dans le but l’égarer dans la forêt. Dans ce type de récits initiatiques, l’héroïne au cours de son périple obtient, par sa bonté et sa bonne foi, une voie soit vers la fortune.

L’action :

Dans  le schéma narratif canonique, l’action occupe une place centrale, étant représentée par un programme narratif. Cette étape est habituellement subdivisée en deux aspects : la compétence et la performance. La compétence acquise par le sujet pour accomplir son faire  reste à préciser la compétence qui nécessite l’acquisition des modalités. En effet, La modalisation narrative est un processus en deux phases distinctes : la modalisation du faire et la modalisation de l’être. En reformulant la notion de fonction narrative de Propp en termes d’énoncés narratifs (Greimas, 1983, 50), Greimas a inauguré ce que l’on pourrait appeler  « une théorie des modalités »[1] pour la syntaxe narrative. Ainsi, la voie de la modalisation de la syntaxe narrative examine les modalités qui s’appliquent au sujet de faire. Au cours de cette première phase de la modalisation syntaxique c’est-à-dire l’analyse de la compétence modale du sujet. Il est à noter que le sujet à l’origine de la transformation narrative nécessite des conditions préalables pour que cette transformation puisse avoir lieu.

 La sémiotique intègre également les divers modes d’existence du sujet agissant, définis en fonction de sa qualification modale, oscillant entre la virtualité et l’activité de compétence d’une part, et la réalité de la performance, d’autre part. Pour caractériser le statut du sujet, Greimas distingue trois modes d’existence distincts : qui s’étendent sur trois épreuves qui sont des étapes formelles du récit sur un axe temporel ;

Le virtualisé (le vouloir faire et/ou le devoir faire) épreuve qualifiante

L’actualisé (le pouvoir faire et le savoir-faire) ; épreuve principale

Le réalisé (le faire ou la transformation). Epreuve glorifiante

Le tableau (Algirdas Greimas, 1976, 91) suivant de Greimas illustre ces propos :

Compétence

Performance

Modalités virtualisantes

Modalités actualisantes

Modalités réalisantes

Devoir-faire

Vouloir-faire

Pouvoir-faire

Savoir-faire

Faire- être

Les actants définis par cette relation sont le sujet et l’objet. De ce postulat sémantique complémentaire les deux dimensions statiques /dynamiques permettent de différencier deux fonctions : L’état et la transformation, et deux formes d’énoncés : l’énoncé d’état et l’énoncé de faire

En sémiotique narrative, chaque récit place le sujet dans une performance qui constitue un exploit en vue d’une finalité précise. La sémiotique relie le sujet actant aux modalités et met en évidence différents rôles actantiels. Initialement, le sujet doit acquérir une compétence spécifique pour devenir un sujet opérateur, étape nécessaire avant de pouvoir mener des actions concrètes. Tant que le sujet virtuel n’a pas maîtrisé ses compétences essentielles, il ne peut pas se concrétiser en tant que sujet opérateur et ses actions restent théoriques. Le programme narratif attribue au sujet divers rôles actantiels, « définis à la fois par la position de l’actant dans l’enchaînement logique de la narration (sa définition syntaxique) et par son investissement modal (sa définition morphologique) rendant aussi possible la réglementation grammaticale de la narrativité.» (Courtès Joseph, 1976 : 13).

La performance narrative atteint son apogée dans une phase décisive, une transformation qui nécessite l’acquisition préalable de compétences spécifiques étant donné que l’objet de valeur n’est pas explicite. Cette compétence représente les conditions essentielles à la réalisation de l’épreuve décisive, reliant sens et signification. La performance se situe entre la manipulation et la sanction, agissant comme « l’opération qui transforme les états, qui fait passer d’un état conjoint à un état disjoint.»  (Groupe d’Entreverne, 1987 : 21). Cette définition distingue deux types de performance : la conjonctive et la disjonctive, enrichissant ainsi la complexité du programme narratif :

Acquisition :

S [(S1 \/ O)  (S1 /\ O)]

Privation :

S    [(S1 /\ O) (S1 \/ O)]

La double flèche indique la notation décrivant le faire du  sujet opérateur (S) sur le sujet d’état (S1), le sujet opérateur qui réalise la transformation sur le sujet d’état. On constate qu’il y a une nette marque de dynamisme, d’action de la part du sujet opérateur ; alors qu’il y a un statisme marqué, ou une passivité dans le rôle du sujet d’état, du sujet qui est en relation directe avec l’objet central de récit.

Tableau n°2 : la performance

Transformation

Sujet opérateur

Conséquence

Catégorie thymique

destinataire

Départ pour puiser de l’eau

La marâtre

Errance

Dysphorie

Bouya

Quête du tamis

Perte du tamis

Parcourir le chemin à la recherche du tamis

Dysphorie

L’héroïne

Rencontre avec le berger

Perte du tamis

Connaitre l’itinéraire du tamis

Euphorie

Bouya

Rencontre avec les femmes

Perte du tamis

Connaitre l’itinéraire du tamis

Euphorie

Bouya

Rencontre avec la vieille femme «friḥa»

Perte du tamis

Obtention des perles d’or

Euphorie

Bouya et son père

Retour avec des perles d’or

La vieille femme

Détention + mort l’ogresse.

Euphorie

Bouya et son père

Départ de la demi-sœur

La mère

Jeter le tamis  dans la rivière

Euphorie

La demi-sœur

Rencontre avec le berger

Le jet du tamis dans la rivière

Poursuite du tamis

Euphorie

La demi-sœur

Rencontre avec les femmes

Le tamis

Poursuite du tamis

Euphorie

La demi-sœur

Rencontre avec la vieille femme «friḥa»

l’arrogance

Obtention de serpents et d’insectes

Dysphorie

La mère et sa fille

             

Ce conte présente le thème de l’errance, comme phénomène de l’initiation de la fille qui conduit à la construction du foyer conjugal, après l’expulsion de la part du père commandé par la marâtre.  Nous sommes face à deux programmes narratifs dans ce conte :

Un programme narratif de sujet (Bouya)

PN=F [S1            S2 /\ Ov (les perles d’or)]

Un programme narratif de l’anti-sujet (la belle-sœur)

PN=F [S1             S2 \/ Ov   (les perles d’or)]

Dans le second programme narratif, la protagoniste subit une transformation marquée, elle s’associe désormais étroitement au trésor, l’objet de valeur passant d’un état de manipulé à l’état du manipulateur. Le conte suppose simplement que Bouya tend vers un état conjonctif, cela veut dire que l’état antérieur de disjonction était déjà présent. Dans l’univers contique il est généralement admis qu’une personne gentille ne peut jouir que d’une vie aisée. Dans ce contexte, il est à signaler que l’héroïne n’était pas à la quête du trésor, ce qu’elle a acquis n’est qu’une récompense de ses conduites en tant que belle-fille maltraitée et non désirée par sa marâtre. Jalouse, cette dernière devient destinateur manipulateur, elle envoie sa fille pour apporter le trésor comme sa demi-sœur.

La sanction 

Dans le schéma narratif canonique, la sanction se présente comme une phase finale après la performance, où le sujet opérateur, le sujet d’état ou même l’objet en jeu sont évalués. Selon Greimas et Courtès, « une figure discursive, corrélative à la manipulation, qui, inscrite dans le schéma narratif, prend place sur les deux dimensions pragmatique et cognitive.» (Greimas, A.J. et Courtès, J, 1979: 320)  elle se divise en deux parties : la sanction cognitive, qui juge ou évalue l’être concerné comme positif ou négatif, et la sanction pragmatique, qui attribue à un destinataire un objet jugé positivement ou négativement.

Le récit de la sanction après la quête du héros se base sur la manipulation et les valeurs, impliquant deux acteurs clés : le destinateur-manipulateur, qui initie l’action récompensée, et le destinateur-judicateur, chargé de délivrer cette sanction. Après avoir triomphé de l’épreuve décisive, le héros reçoit sa rétribution prévue, représentant une compensation juste et préétablie. Le destinateur-judicateur remplit un rôle crucial en évaluant non seulement la conformité de l’action mais aussi sa performance, agissant ainsi en tant que “judicateur”. La nature de la sanction dépend de l’appréciation épistémique du destinateur concernant l’action du héros. Elle peut être pragmatique, vérifiant la conformité aux termes établis, ou cognitive, évaluant la vérité d’une affirmation au-delà des apparences.

En attribuant au Sujet la sanction qu’il mérite, le destinateur marque
la situation finale du récit.

Dans ce conte, lorsque Buya, la fille aux pierres précieuses éprouve de la bonté, la vieille femme effectue un exercice de reconnaissance, et reconnaît la fille comme une “héroïne”. Au niveau pragmatique elle accorde à « Bouya », en conséquence, sa “récompense” (les perles d’or) : « Txancet a nnem a yedji Buya, testahdj tt x nneyyet nni dayem, arbut x uɛrur traḥed ad targḥed…., tarzem txancet nni x uɛrur n Buya, tuf itt tɛemmar s arzeq d lwiz. » (C’est ton sac, tu le mérites par tes bonnes intentions et ta naïveté, lui répondit la femme, porte-le sur ton dos et rentre chez toi…….. sa belle-mère s’étonna en ouvrant le sac et le découvrant plein de biens et de perles)

Par conte, il a décerné à la demi-soeur une sanction négative vue sa méchanceté et son orgueil: «tekkes as yemmas txancet nni taṛẓem itt tuf  itt teccur s tɣardmiwin d ifiɣran uca ad tesɣuy, teksi ṭejja yellis uca teqqim tazzel tazzel… zi rexddnit war d tedwil ɣar taddart.» (Arrivée, elle ouvrit la porte, la mère lui arracha le sac, l’ouvrit et le trouva plein d’araignées et de serpents, la mère hurla aussitôt et courait… A partir de ce jour-là, elle ne regagna plus son logis.)

Il s’agit là de deux sanctions, l’une positive pour Bouya, et l’autre négative pour la demi-soeur, le sujet opérateur exerçant ces sanctions a évalué les deux sujets sur la base de l’être et le faire de Bouya, la demi-soeur et la marâtre.

Conclusion :

Cette analyse met en lumière plusieurs aspects essentiels du conte “Buya”. D’une part, ce récit explore de manière distincte les parcours de la fille et de la belle-fille, chacun servant à illustrer des valeurs positives telles que la bienveillance et la modestie, tout en décriant les traits négatifs comme la haine et l’arrogance. Ces contrastes structurels permettent au conte d’offrir une réflexion approfondie sur les comportements humains et leurs conséquences morales.

En conclusion, la signification du message véhiculé par le conte dépend étroitement de la manière dont ses programmes narratifs sont articulés. Selon la perspective théorique de Greimas, l’analyse narrative révèle que la succession des phases du schéma narratif canonique (action, manipulation, sanction) est cruciale pour la construction de la signification et la transmission des valeurs morales. En suivant cette structure, le conte devient non seulement une histoire envoûtante mais aussi un véhicule puissant pour enseigner et transmettre des morales essentielles sur la nature humaine.

[1] GREIMAS. A. Pour une théorie des modalités. In: Langages, 10ᵉ année, n°43, 1976. Modalités : logique, linguistique, sémiotique. pp. 90-107; consulté en ligne le 16 mai 2023 https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1976_num_10_43_2322

 

Téléchargez l article complet au format PDF

Scroll to Top