La recherche en didactique des langues : quels choix méthodologiques ?
Doctorant
Laboratoire Communication, Education, Digital Usage and Creativity
Faculté des lettres et des Sciences Humaines, Université Mohammed Premier, Oujda, Maroc
Résumé
Mener une recherche en didactique des langues nécessite la réponse préalable à plusieurs questions d’ordre méthodologique qui positionnent le projet de recherche dans les pistes épistémologiques les plus adéquates avec la nature de tel projet : quel est le type de cette recherche ? Cette recherche appartient-elle à un seul type de recherche ? Quelle est la méthode de recherche la plus propice pour cette recherche ? Peut-on opter pour plus d’une seule méthode de recherche ? Si oui, comment faire ? y-a-il des interrelations entre les types et les méthodes de recherche en didactique des langues ?
Conducting research in language teaching requires the prior response to several methodological questions that position the research project in the most appropriate epistemological tracks with the nature of such a project: what is the type of this research? Does this search belong to a single search type? What is the best research method for this research? Can we choose more than one research method? If yes, how? are there interrelationships between the types and methods of research in language teaching?
Mots-clés :didactique des langues, méthodologie de recherche, type de recherche, méthodes de recherche.
Keywords : language teaching, research methodology, type of research, research methods.
1- Introduction
Les deux volets de cet article portent sur la méthodologie de recherche en didactique des langues. On veut dire par méthodologie de recherche en didactique des langues les investissements épistémologiques et méthodologiques pour une bonne conduite d’une recherche du point du départ au point d’arrivée. Dans ce sens, le travail sera consacré à la mise au point sur les types et les méthodes en didactique des langues.
2- Types de recherche en didactique des langues
Un projet de recherche est, selon Christian Puren, orienté réciproquement par deux éléments : la compréhension et l’intervention. Les deux constituent deux types d’orientation. Pour Puren, la compréhension se centre sur :
Les acteurs dans leur environnement en valorisant leur conscience, leur expérience et leur intentionnalité, c’est-à-dire leur degré de « compréhension » réelle (d’où l’appellation de cette approche) des jeux auxquels ils ont soumis, des enjeux auxquels ils sont confrontés, des actes qu’ils réalisent et des projets qu’ils construisent. Cette approche compréhensive correspond à l’émergence d’un paradigme compréhensif […] qui repose sur une réhabilitation de la part explicite et réfléchie de l’action, ainsi que de la compétence des acteurs à analyser eux-mêmes leur environnement et les actions qu’ils y réalisent. (PUREN 2013 :8)
Tandis qu’il définit l’intervention comme :
L’action sur le processus d’enseignement-apprentissage qui a pour objectif d’améliorer ce processus en proposant aux enseignants et apprenants des manières et moyens d’enseigner-apprendre ensemble plus efficacement. Elle n’a pas pour autant à se limiter uniquement à ce qui paraît possible sur le terrain au moment de la recherche. (PUREN 2013 :8)
D’après lui, lorsqu’il s’agit d’une courte recherche, le chercheur pourrait orienter son projet par un seul type d’orientation, l’intervention ou la compréhension ; mais un travail de recherche universitaire (thèse, mémoire) nécessite de la part du chercheur l’orientation de son projet par les deux types cités.
2-1 La recherche-modélisation
Dans le domaine de la didactique des langues-cultures, Christian Puren définit la modélisation comme :
L’équivalent épistémologique de la théorisation dans les sciences qui se veulent « exactes». Non seulement toute recherche en DLC, mais tous les types de recherche dont elle se compose, doivent donc comprendre une part de modélisation, que les modèles utilisés soient empruntés tels quels, modifiés ou créés. (PUREN 2013 :9)
Dans ce sens, Puren voit que tout chercheur en didactique des langues-cultures pourrait opter pour des « théories extra-didactiques » au cas où son processus de recherche présente des cas problématiques non-didactiques où lorsque le domaine de didactique exige une ouverture sur d’autres disciplines, ce que Puren nomme « principe d’émergence ». Au contraire, Puren introduit un autre principe différent, celui de « subsidiarité ». Ce principe caractérise le chercheur en didactique des langues-cultures par son utilisation des sous-domaines de la didactique des langues-cultures dans sa recherche comme le schéma suivant qui représente la réciprocité entre ces deux principes :
Selon Puren, ce schéma montre le processus qui régit le parcours formatif d’un chercheur en didactique des langues-cultures selon les deux principes cités auparavant : le point de départ de tout chercheur en didactique des langues est son enseignement-apprentissage envisagé à « modéliser » en se basant sur les théories didactiques déjà existantes. L’introduction de tout ce qui est extra-didactique ne vient que si son domaine ne peut pas répondre à ses besoins de recherche. De même, Puren veut dire que ces théories sur lesquelles repose la recherche en didactique des langues-cultures ne sont, en fait que des « modèles », et même lorsqu’il s’agit des sciences dites « exactes ». De plus, Puren renvoie par ces modèles aux « outils de compréhension et/ou d’intervention que l’on va abandonner dès que d’autres plus puissants et plus efficaces apparaîtront ». Dans le même sens, Puren souligne que le chercheur en didactique des langues-cultures doit être prudent lorsqu’il opte pour « les modèles extra-didactiques » puisqu’il apporte des outils d’analyse autre que ceux de son domaine. Pour ce faire, Puren propose au chercheur-didacticien des langues-cultures d’:
Emprunter des analyses déjà faites par des spécialistes, si on en a vraiment besoin, plutôt de se risquer à des analyses personnelles au moyen d’outils que l’on n’est pas sûr de maîtriser. L’analyse de pratiques observées chez un enseignant, par exemple, peut dans certains cas limites relever de l’analyse psychanalytique, mais il ne me semblerait pas raisonnable
de la part d’un chercheur en didactique de s’y risquer…
(PUREN 2013 :12)
2-2 La recherche-description
Dans les travaux universitaires de recherche en didactique des langues-cultures, la recherche-description, selon Puren, prend une part importante notamment lorsqu’il s’agit de l’observation de classe ou l’analyse du matériel didactique. Puren, dans ce sens, attribue à cette description le sens de «narration» lorsque cette description est dynamique comme :
c’est le cas lorsqu’il s’agit d’un processus d’enseignement-apprentissage (par ex. l’organisation des supports et activités successifs au sein d’une unité didactique, la réalisation d’une séquence de classe), ou lorsque la recherche doit être décrite elle-même dans sa procédure (la succession des activités réalisées par le chercheur) et dans son évolution (par ex. la modification des objectifs, des méthodes et/ou des activités de recherche en raison des difficultés ou opportunités surgies en cours de travail). (PUREN 2013 :13)
Par ailleurs, Puren n’oublie pas de citer les points négatifs de ce type de recherche en soulignant les risques, notamment lors de :
La présentation du constat initial, du terrain de recherche et du dispositif de recherche, et plus généralement dans les types de recherche-expérienciation et de recherche-action, où les dimensions contextuelle et chronologique sont suffisamment importantes pour que l’on doive présenter de manière suffisamment détaillée le terrain de la recherche et le déroulé temporel de la recherche. (PUREN 2013 :13)
2-3 La recherche production
Comme le montre le terme production, Christian Puren définit la recherche-production en didactique des langues-cultures comme tout travail de recherche à des fins de conception-élaboration des produits favorisant l’enseignement-apprentissage. Selon Puren, ces produits peuvent servir les trois volets fondamentaux de la didactique des langues-cultures : méthodologique, didactique et didactologique.
Pour ce qui est du volet méthodologique, Puren renvoie à :
Toutes les propositions concernant des modes d’enseignement-apprentissage. Dans toute recherche, ces propositions vont forcément limiter leur domaine en fonction de la problématique de recherche ; elles porteront par exemple sur un type de public, d’objectif, de dispositif, de support, de technologie, d’activité, de démarche ou approche, de pédagogie : jeunes enfants, FOS, compétence de communication, travail de groupe, jeux, chansons, documents authentiques, littérature, tableau interactif, compréhension écrite ou orale, lexique, simulations globales, ateliers d’écriture, scénarios actionnels, pédagogie de projet,… (PUREN 2013 :14)
En ce qui concerne le volet didactique, Puren signifie par produit de recherche, par exemple, « les grilles d’analyse de matériels didactiques et d’observation de classes ».
Enfin, le volet didactologique des produits englobe, selon Puren, « les chartes pédagogiques et déontologiques, les curricula, les modèles de contrat d’enseignement-apprentissage, les programmes de formation »
2-4 La recherche-expérienciation
Certes, le terme « expérienciation » pourrait relever du domaine des sciences exactes, car selon Puren le concept de « recherche-expérienciation » « a été développé par les didacticiens des sciences pour penser les fonctions et formes scolaires des activités expérimentales dans l’enseignement des matières scientifiques ». De même, certains didacticiens tissent un lien entre la recherche-expérienciation et la recherche expérimentation en postulant que la première pourrait préparer les apprenants à la deuxième à condition d’organiser une troisième qui fait une transition entre la première et la deuxième. Dans ce sens, Maryliné Coquidé (1998) établit une transition entre « l’expérienciation » et l’expérimentation » par l’introduction de « l’expérience-validation ». Pour elle, les trois types constituent des modes didactiques dans l’enseignement des sciences. Puren reprend ces modes de sa manière en les renommant sans aucune reprise critique contre Marline Coquidé. Pour Puren, « l’expérienciation » est un mode « d’expérience-action » qui
Permet aux élèves d’explorer et d’agir, à travers des situations variées et diversifiées, avec des finalités de familiarisation pratique à des objets, à des phénomènes, et à des instruments scientifiques et techniques. Les rôles de l’enseignant sont donc de penser les aménagements, les situations ou les interventions qui permettront une fécondité. Mais aussi de favoriser les comparaisons, de relancer le questionnement, d’introduire le doute, d’aider à reformuler et de favoriser les apprentissages d’ordre pratique. (PUREN 2013:21)
De même, l’expérimentation est, pour Puren, un mode d’«expérience-objet » qui :
Facilite la compréhension des pratiques effectives de la science, avec des articulations indispensables entre moments empiriques et moments expérimentaux dans l’investigation, et une importance particulière donnée au raisonnement, à la méthodologie, et à la validité des conclusions. Il s’agit de confronter les élèves à un réel peu aménagé, de les aider à problématiser ou à émettre un projet, de favoriser la mise en oeuvre effective des investigations, de favoriser les dynamismes et les confrontations, de distinguer un guidage pédagogique d’exploration et un guidage pédagogique de validation, et d’inciter les élèves à réfléchir sur les démarches et sur les raisonnements. (PUREN 2013 :22)
Il reste l’expérience-validation que Puren nomme « expérience-outil ». Ce mode est :
Un outil mis au service de l’élaboration théorique, pour la construction de concepts ou de modèles. Les expériences sont envisagées dans un cadre d’apprentissage conceptuel systématique, et ce mode est plus développé dans les travaux pratiques. Il s’agit de mettre à l’épreuve les constructions intellectuelles, pour en éprouver la pertinence et le domaine de validité. (PUREN 2013 :13)
2-5 La recherche-action
Ce type de recherche a connu un large corpus de définitions didactiques qui différent d’un chercheur à un autre. Christian Verier (1999) définit la recherche-action, d’une manière globalisante, comme
Démarche de recherche qui s’est développée sur la base d’une contestation des formes « traditionnelles » de recherche, d’une critique de l’utilisation des sciences sociales comme instruments de domination, d’une volonté d’intégrer les résultats de la recherche dans l’action sociale. La recherche-action se propose d’établir un nouveau rapport entre théorie et pratique (ne pas confondre avec la recherche appliquée). La recherche-action renvoie à un processus de connaissance orienté vers l’émancipation des chercheurs et des sujets (sont désignés par sujets les personnes ou groupes sur lesquels porte la recherche). Elle implique que soit défini un but commun aux chercheurs et aux sujets […] La recherche-action permet de limiter l’asymétrie entre les chercheurs et les sujets de la recherche ; elle peut même garantir aux sujets de la recherche un véritable contrôle de la problématisation, du processus de recherche et de la gestion des résultats. (VERIER 1999 : 230)
De plus, Puren souligne aussi qu’il y a de nombreuses incompatibilités entre la recherche-action et la recherche universitaire initiale, ce qui rend l’hybridation entre les deux types de recherche impossible.
Le domaine de didactique des langues et des cultures n’est pas le seul domaine qui connait divers types de recherche. Comme l’affirme Maryline Coquidé (1998) dans son article :
Tout processus de recherche […] nécessite l’articulation de différentes postures, depuis l’expérience « vécue », en passant par les pratiques empiriques plus ou moins contrôlées et systématiques (exploration et enquête), jusqu’aux pratiques expérimentales, et l’articulation, dans les investigations, de recherche documentaire et de recherche expérimentale ; ce qui conduit à une vision élargie de l’expérience scientifique […], et qui inclut de façon très interactive la démarche d’enquête, l’observation active, l’application de techniques, l’expérimentation et la modélisation. (COQUIDÉ 1998 : 109)
Cette hybridation de ces divers types de recherche doit se faire d’une manière réflexive : le chercheur est appelé à montrer qu’il a une réflexion non pas seulement sur sa recherche mais également sur la recherche qu’il mène en étroite relation avec la didactique des langues et des cultures. Autrement dit, le chercheur doit justifier tout ce qui a mis en oeuvre dans sa recherche.
3- Méthodes de recherche en didactique des langues
Ce second volet est réservé pour une lecture de quelques méthodes de recherche en didactique des langues et des cultures.
Dans le domaine de didactique des langues, les méthodes de recherche sont liées aux démarches épistémologiques axées sur le recueil et le traitement des données. Ces dernières pourraient être collectées par le chercheur « au moyen de ses observations, de lectures d’ouvrages et d’articles, d’analyse de productions d’élèves, d’enquêtes et d’entretiens auprès de différents acteurs, par ex.) où générées par des interventions réalisées à cet effet (dans des séquences expérimentales de classe ».
3-1 La méthode documentaire
Selon Christian Puren, la méthode documentaire concerne la recherche axée sur des documents déjà existants et qui pourraient fournir des informations compatibles avec le sujet de recherche (articles, ouvrages, mémoires, thèses, actes de colloques,..). Par ailleurs, l’insuffisance de ces documents disponibles pourrait constituer un problème, notamment lorsqu’il s’agit d’une recherche dont le terrain de recherche est propre au chercheur. Dans ce cas, Puren propose au chercheur divers choix pour compléter sa documentation, mais ces choix obligent le chercheur de produire
ses propres documents : une recherche sur la planification de séquences d’enseignement exigera ainsi qu’il recueille des préparations écrites d’enseignants ; une recherche sur la progression d’apprentissage, des productions écrites d’apprenants échelonnées dans le temps ; une recherche sur l’enseignement de la grammaire, des enregistrements de classes ; une recherche sur la formation des enseignants de langues – pour reprendre un exemple donné plus haut. (PUREN 2013 :31)
Selon Puren, Cette méthode comporte deux volets :
3-2 La recherche documentaire
La recherche documentaire regroupe toutes les démarches de recherche relatives au domaine de didactique des langues et des cultures. Dans ce propos, Puren propose la consultation en ligne de plusieurs sites du domaine en question:
– l’ACEDLE, Association des Chercheurs et Enseignants en Didactique des Langues Étrangères (acedle.org /), et sa revue Les Cahiers de l’ACEDLE ;
– l’AUF, Agence Universitaire de la Francophonie (www.auf.org /) : on y trouvera en particulier un moteur de recherche international sur le FLE précieux pour se tenir au courant des colloques et autres journées d’études (taper « FLE » dans le moteur de recherche interne
– l’ALSIC, revue Apprentissage des langues et systèmes d’information et de communication, (http://alsic.revues.org /) avec de nombreux articles portant sur l’exploitation des technologies éducatives dans l’enseignement-apprentissage des langues ;
-l’APLIUT, Association des professeurs de langues en IUT
(www.apliut.com /), et sa revue Les Cahiers de l’APLIUT ;
– l’APLV, Association des Professeurs de Langues Vivantes (www.aplvlanguesmodernes.org /), et sa revue Les Langues modernes ;
– « Franc-Parler, Le site des professeurs de français », site de l’Organisation Internationale de la Francophonie (www.francparler-oif.org /), avec des fiches pédagogiques, des articles et des dossiers thématiques ;
– « ÉDUFLE.NET, site collaboratif du FLE » (www.edufle.net /), avec une série de dossiers thématiques en didactique du FLE plus ou moins bien documentés ;
– la FIPF, Fédération Internationale des Professeurs de Français, qui édite la revue papier Le Français dans le monde (www.fdlm.org)
3-2-1 L’analyse documentaire
En fait, une technique d’analyse documentaire spécifique au domaine de recherche en didactique de langues n’existe pas. Mais, Puren souligne généralement deux capacités indispensables chez tout chercheur en didactique des langues :
– du point de vue qualitatif, d’une bonne capacité de lecture «compréhensive» de tous types de documents, telle que sa formation générale universitaire doit normalement la lui avoir donnée ;
– et du point de vue quantitatif, d’une bonne capacité de travail, qui permette de brasser et rebrasser en tous sens les données du terrain avec les idées des autres et ses idées personnelles jusqu’à atteindre ce seuil critique (parfois proche de l’obsession…) à partir duquel, sur l’ensemble de son domaine d’observation et d’intervention, va progressivement émerger et se structurer un réseau conceptuel nouveau : l’originalité de la recherche, qui est l’une de ses premières qualités attendues, ne vient pas − ou très rarement − d’idées véritablement nouvelles, mais, entre des idées déjà connues, de relations nouvelles établies de manière imprévue et qui se révèlent pertinentes par rapport à sa problématique de recherche. (PUREN 2013 :35)
3-2-2 L’analyse du matériel didactique
D’après Christian Puren, le concept « matériels didactiques » renvoie, dans la tradition, aux matériels didactiques classiques : manuel, cahier d’exercices, guide pédagogique. Mais, selon lui, la nouvelle génération connaît des matériels didactiques plus avancés : il s’agit du « site compagnon », c’est un espace virtuel asynchrone conçu par un éditeur et/ou les enseignants et les apprenants qui travaillent collaborativement (échange des documents, des idées, des expériences,…).
Puren explique l’importance de l’analyse des matériels didactiques dans le domaine de recherche en didactique des langues-cultures en mettant le point sur quatre propos qui illustrent la nécessité incontournable de cet outil :
– Puren voit que les matériels didactiques sont « un ensemble cohérent de procédés, techniques et méthodes qui s’est révélé capable, sur une certaine période historique et chez des concepteurs différents, de générer des cours antérieurs et équivalents entre eux quant aux pratiques d’enseignement-apprentissage induites » (PUREN 2013 :3). Il ajoute que les matériels didactiques sont, historiquement, précieux, vu qu’ils sont des traces concrètes issues de l’ingénierie didactique de leurs auteurs-concepteurs. De même, Puren lie les matériels didactiques à « la réalité historique de toute méthodologie, toute méthodologie est à la fois un projet, un outil et une pratique » (PUREN 2013 :3) ;
– Dans la perspective didactique, les matériels didactiques se considèrent comme intermédiaire entre l’ergonomie et les « pratiques d’enseignement et d’apprentissage ». Par ailleurs, ces outils confrontent la problématique d’adaptation en classe de la conception à la mise en pratique. Cette problématique joue un rôle important dans la recherche en didactique du français langue étrangère puisqu’il y a des professeurs étrangers qui utilisent des dispositifs conçus en France et vice-versa ;
– Les matériels didactiques ne peuvent, en aucun cas, être remplacés par un autre outil, ils resteront un dispositif incontournable, soit pour l’enseignant soit pour l’apprenant. Puren cite le manuel comme outil du travail commun entre l’enseignant et l’apprenant. Dans le même sens, une vague de critique vise le manuel pour les raisons suivantes : l’utilisation d’un seul manuel est loin de la crédibilité didactique ; l’utilisation du manuel s’inscrit dans l’enseignement collectif, tandis que les nouvelles perspectives didactiques exigent « la centration sur l’apprenant » ;
– Christian Puren juge que toute théorie, tout modèle ou une conception issues de n’importe quelle discipline linguistique ou didactique ou d’une discipline connexe, ne sont pas pertinents en didactique des langues sauf s’ils sont impliqués concrètement sur le plan des « matériels didactiques ». Il ajoute que les théoriciens de ces modèles sont eux-mêmes appelés à démontrer ce principe épistémologique.
3-3 L’observation des pratiques didactiques
Les pratiques de classes sont observées, analysées et interprétées par l’enseignant. Cette démarche méthodique contribue à son parcours auto-formatif, et par conséquent, il devient professionnel et chercheur de terrain. Mais l’observation, l’analyse et l’interprétation des pratiques de classe posent aussi un problème épistémologique pour le chercheur. Puren, dans ce propos, donne un exemple pour chaque opération fondamentale :
– L’observation : la sélection des données recueillies est faite par l’observateur. Il est impossible d’avoir une observation exhaustive.
– L’analyse : les données d’observation ne s’inscrivent pas seulement dans le domaine de la didactique des langues. L’intervention d’autres disciplines (sociologie, psychologie, …) est toujours présente dans ce propos. L’épuisement d’analyse est impossible.
– L’interprétation : le chercheur est exposé aux mauvaises interprétations des données des pratiques de classes. Ces dernières sont très sensibles à l’environnement personnel et collectif, alors que le chercheur ne peut connaître de manière exhaustive tel environnement.
3-3-1 Définition de concept de « pratiques de classe »
Jean-Pierre Cuq définit les pratiques de classe comme :
Des activités réalisées par l’enseignant lui-même face aux apprenants dans la salle de classe. Il s’agit des activités concrètes ou procédures directement observables (par exemple la proposition par l’enseignant d’une activité de conceptualisation grammaticale suivie d’exercices d’application), par opposition aux activités abstraites ou processus (les traitements cognitifs correspondants effectués par l’apprenant). Il s’agit des activités effectivement réalisés, par opposition aux activités exigées par les principes pédagogiques, les théories ou la méthodologie référence, les instructions officielles ou encore les concepteurs du matériel didactique utilisé : l’auteur d’une thèse récente sur la grammaire en classe de français langue étrangère a ainsi observé que, dans les pratiques de classe, les enseignants privilégiaient la méthode transmissive et déductive ( ils expliquaient eux-mêmes la règle de grammaire avant de donner des exercices d’application) alors que le principe de centration sur l’apprenant aurait demandé qu’ils mettent en oeuvre les méthodes opposées, active et inductive, ( en demandant aux apprenants de conceptualiser eux-mêmes. (CUQ 2003 : 198)
En fait, comme l’’affirme Puren, on ne peut pas séparer les pratiques d’enseignement-apprentissage de leur méthodologie de conception.
3-3-2 L’emplacement des « pratiques de classe » : de l’observation à l’épistémologie disciplinaire
En effet, le domaine de la didactique des langues-cultures vise à améliorer le processus d’enseignement-apprentissage. A partir de cet objectif, le projet d’observation et l’évaluation des pratiques d’enseignement-apprentissage dans le cadre de la recherche disciplinaire a pour objet de formuler des propositions pour améliorer telles pratiques.
3-3-4 L’observateur entre la classe et ses acteurs
Le chercheur dispose de diverses techniques pour avoir accès aux pratiques d’enseignement-apprentissage. L’accès direct à ces pratiques peut être effectué par l’observation réelle (sur terrain) de classes ou virtuelle (sur des enregistrements vidéo). L’accès indirect est d’ailleurs, possible par le biais des entretiens axés sur l’apprenant ou l’enseignant ou les deux la fois, par l’observation des conceptions didactiques des cours ou les traces des apprenants (production, réception, interaction).
3-4 Le questionnaire
Comme enquête de recherche, le questionnaire peut être jugé favorable pour mener des investigations de recueil des données répondant partiellement ou totalement à des questions de recherche. De même, le questionnaire est un outil plus pratique puisque celui qui répond à l’ensemble de ses questions dispose du temps pour fournir des réponses réfléchies. Par ailleurs, le répondant au questionnaire fait souvent une réflexion globale sur la totalité des questions posées avant qu’il réponde. En revanche, ce qui freine le questionnaire est souvent la négligence des répondants. Pour dépasser ce problème, l’enquêteur est appelé à partager son questionnaire au maximum possible de répondants pour réussir le cheminement d’enquête, et par conséquent les objectifs escomptés de recherche.
3-4-1 Répartition du questionnaire
Les questions formulées dans un questionnaire sont organisées dans des sections. Le concepteur du questionnaire doit être attentif lorsqu’il divise ces sections pour un bon décloisonnement logique des questions. Alors, la fluidité et la pertinence doivent régir le passage d’une section à une autre pour atteindre l’objectif tracé au départ.
3-4-2 Choix des questions
Le choix des questions n’est pas une démarche facile. Il dépend de l’objet de l’enquête. Le questionnaire peut être constitué des questions fermées, des questions ouvertes, des questions de fait (ex : avez-vous consacré combien du temps pour rédiger votre thèse ?), des questions d’opinion (ex : qu’est-ce que vous pouvez dire de votre parcours doctoral ?). Alors, il ne serait facile de s’arrêter sur les questions propices à la question de recherche.
De même, la manière de poser les questions de recherche est requise. Le concepteur du questionnaire doit en prendre en considération. Les réponses fournies traduisent les questions du départ. Dans ce sens, De Singly (1992) définit les questions fermées comme « celles où les personnes interrogées doivent choisir entre des réponses déjà formulées à l’avance. Les questions ouvertes sont celles où, au contraire, les personnes interrogées sont libres de répondre comme elles le veulent » (DE SINGLY 1992 :130).
Certes, les répondants interagissent avec les questions fermées, dont les données recueillies sont faciles à traiter et à analyser. Toutefois, l’introduction des questions ouvertes est possible pour diversifier l’enquête et pour que le questionnaire ne soit pas monotone.
Il est à noter qu’il est plus pratique d’analyser les données des questions fermées par les logiciels statistiques (Sphinx, SPP,…). De même, les possibilités de réponse aux questions fermées sont diverses : oui/non (deux possibilités) ; jamais-parfois-souvent-toujours : échantillon large…).
3-4-3 Formulation des questions
Le travail de formulation des questions doit se faire de façon minutieuse. C’est une phase fondamentale que le concepteur du questionnaire est appelé à bien soigner en se basant sur la clarté et la simplicité, loin de complexité et d’ambiguïté. Il faut aussi que le langage des questions formulées soit propice à celui de l’enquête. Il faut s’assurer que le vocabulaire utilisé est simple, qu’il n’y a pas des structures grammaticales complexes ou des idées mises dans une seule question. La progression de questionnaire doit se faire du général au particulier.
3-4-4 Le prétest du questionnaire
Dans la tradition, avant de distribuer le questionnaire, un travail d’expérimentation est nécessaire. Dans ce propos, pour vérifier sa pertinence et s’assurer qu’il n’y a pas d’erreurs. Et pour identifier les erreurs d’une manière objective, il est possible de demander à quelqu’un d’autre qu’il le vérifie et/ou de le distribuer à d’autres.
3-4-5 Pertinence et fiabilité du questionnaire
Vérifier la pertinence et la faisabilité de questionnaire signifie s’assurer de sa crédibilité, car si le questionnaire ne conduite pas au recueil des données fiables, il ne pourra pas être crédible. Dans ce propos, le prétest pourrait contribuer pour s’arrêter sur ce qu’il faut retravailler.
3-4-6 Traitement des données collectées
Le travail du traitement du corpus vient après la collecte des données. On peut filtrer et trier les données qui semblent pertinentes pour la question de recherche et son contexte. Toutefois, les données collectées des questions dont les réponses nécessitent des explications justificatives qui ne concernent pas le traitement statistique, même s’elles restent incontournables pour la finesse d’interprétation des résultats. Après cette étape, il faut traiter chaque question en traduisant les résultats en graphes ou pourcentage ou sous forme d’effectifs, pour exposer d’une manière claire les interprétations.
3-4-7 Limites du questionnaire
Comme instrument d’enquête dans les recherches, le questionnaire reste limité par rapport à d’autres instruments en vigueur. Pour illustrer ce point, on peut évoquer deux notions qui expliquent ces limites : déclaration et observation. Les données collectées, à partir du questionnaire, sont déclarées, même s’elles sont fiables et valides. C’est-à-dire que celui qui répond déclare des propos, alors qu’il ne s’’agit pas d’une observation sur terrain. Par ailleurs, les réponses « déclarées » ne sont pas hasardeuses. Il y a bien sûr une expérience « racontée » après une réflexion sur l’ensemble des questions posées.
3-5 L’entretien
Alain Blanchet (1985) définit l’entretien comme « mode d’accès efficace aux représentations et aux opinions individuelles, il engage ainsi des personnes (intervieweur et interviewé) dans une situation de « face à face » où l’interviewé veut généralement dans un entretien et vont plus ou moins en faveur de la qualité des données collectées »
3-5-1 Pourquoi l’entretien ?
Par rapport au questionnaire, l’entretien est plus technique et pratique, car il permet de collecter les données de manière rapide vu que son avantage est qu’il est direct avec le fournisseur des informations, ce qui favorise la crédibilité des résultats.
3-5-2 Types d’entretien
Trois types d’entretiens s’imposent :
– L’entretien directif : dans ce type d’entretien, le chercheur conçoit un « guide d’entretien » contenant toutes les questions qui doivent être posées selon une progression déjà établie ;
– L’entretien semi-directif : ce type est en quelque sorte différent par rapport au précédent. L’enquête et le chercheur sont les deux libres. L’esprit de l’entretien est à la fois semi-fermé et semi-ouvert ;
– L’entretien libre : il ne repose sur aucun plan préétabli. L’enquête et le chercheur font une conversation dite « naturelle ».
3-5-3 Préparation d’entretien
Tout entretien se fait après une préparation basée sur les éléments suivants :
– Délimiter les blocs, chacun regroupe des questions ;
– Envisager un scénario d’intervention ;
– Penser à la structuration du discours loin de l’orientation ;
– Respecter la progression logique pour un bon cheminement des questions ;
– Contrôler les éléments para-discursifs de l’enquêteur (rythme, ton,..) ;
– Penser à éviter toute rigidité.
3-5-4 Éthique de l’entretien
Pour un bon déroulement de l’entretien, l’interviewé et l’intervieweur doivent partager entre eux le sens de l’écoute, le respect idéologique et la modestie intellectuelle. De même, l’intervieweur doit tenir compte aux éléments déontologiques suivants :
– L’entretien n’est enregistré qu’après l’accord préalable de l’interviewer ;
– L’anonymat doit être pris en considération au niveau du traitement et de communication des réponses collectées.
3-5-5 Transcrire l’entretien
Transformer la parole en écrit semble une tâche facile. Mais, dans le cadre de l’entretien, les choses ne sont pas simples, car le chercheur ne transforme pas des paroles en écrit, mais il y a des éléments para-discursifs (geste, hésitations, silence, …) auxquels le chercheur doit penser en la matière de transcription. Il faut penser bien sûr à garder la compréhension de transcription en respectant aussi « la tonalité de l’entretien ».
3-5-6 Limite de l’entretien
Comme le questionnaire, l’entretien a aussi des limites liées à la recherche et à son contexte :
– Le risque du « hors-sujet » est possible si le chercheur n’arrivera à bien conduire le déroulement ;
– Le chercheur pourrait négliger les réactions de l’interrogé à cause de son occupation aux constituants de la grille.
3-6 La méthode inductive/ la méthode déductive
Entre la connaissance et l’expérience, il y a la recherche de l’information. Mais de quel volet peut-on partir ? Est-ce que celui de la connaissance ou celui de l’expérience ?
En didactique des langues, Puren ne viole pas ce qui est en vigueur en sciences humaines.
3-6-1 La méthode inductive
Certes, cette méthode se base sur l’expérience pour induire une connaissance qui pourrait prendre la forme d’une théorie, règle… Pour Puren, cette logique est reprise, par exemple, dans le domaine de la didactique de la grammaire. Dans cette méthode inductive, on peut partir de l’exemple observé pour en tirer « une norme langagière », c’est-à-dire une règle grammaticale. Dans ce sens, Puren ajoute que, dans la recherche en didactique, il est possible de considérer que l’apprentissage chez les élèves diffère d’un élève à un autre, que l’enseignement chez les enseignants doit se caractériser par la variabilité au niveau méthodique afin que les élèves aient les capacités de recourir à leurs propres styles d’apprentissage.
3-6-2 La méthode déductive
Au contraire de la méthode inductive, la méthode déductive est régie par la logique de production d’une expérience à partir d’une connaissance. Dans cette perspective, Christian Puren affirme que cette connaissance en question pourrait être considérée comme « certaine » ou « non certaine ». Lorsqu’il s’agit du premier cas, c’est une « application ». Dans ce sens, Puren donne trois exemples liés à la didactique des langues-cultures. Ce sont les exemples cités dans la méthode inductive :
– A partir de la variabilité des méthodes d’enseignement par les enseignants et leurs propositions aux élèves des démarches pour que ces derniers puissent auto-apprendre, le chercheur pourrait penser à tester des « approches et des démarches différentes » ;
– A partir de la question de l’auto-apprentissage chez les élèves, le chercheur est appelé à concevoir un corpus d’activités susceptibles de didactiser cet auto-apprentissage : conception des activités pour sensibiliser les élèves autour de leurs lacunes langagières, sur leur styles d’apprentissage ;
– A partir de ces deux exemples qui reposent sur l’apprentissage basé sur la motivation des élèves, le chercheur pourrait les motiver par l’introduction des jeux différents dans son travail avec les élèves.
Cette application base sur la connaissance certaine est, en fait, un exemple de dispositifs à appliquer, à tester pour vérifier ce qui va et ce qui ne va pas dans les situations d’apprentissage.
Par ailleurs, lorsqu’on n’est pas certain de cette connaissance. Autrement dit, si cette connaissance est l’objet de vérification et non pas ses modes d’application, c’est-à-dire si cette connaissance est considérée comme « hypothèse à infirmer ou à confirmer », la recherche dans ce cas est une expérimentation (au contraire de l’application). De même, Puren reprend le même exemple de didactique de grammaire dans ce propos. Puren propose que les élèves sont appelés de « vérifier » si la règle tirée de l’exemple déjà donnée est faisable dans d’autres exemples. De même, Puren propose « autrement » trois exemples d’illustration de « l’application » pour mettre le point sur l’expérimentation dans le domaine de la recherche en didactique des langues-cultures :
- A) La scénarisation d’une expérimentation d’enseignement pour trois groupes d’élèves : le premier groupe avec une approche communicative, le deuxième et le troisième groupe sera soumis à un mode d’enseignement d’auto-apprentissage et par groupes ;
- B) L’organisation d’un apprentissage de la grammaire basé sur l’erreur. Les élèves recourent à leurs erreurs pour un premier groupe ; pour le deuxième, on propose un apprentissage basé sur la conceptualisation portant sur « des énoncés correctes » et pour un troisième groupe, on propose un apprentissage axé seulement sur des « exercices structuraux », c’est-à-dire des exercices intensifs qui portent sur la reproduction d’un des modèles langagiers. L’objectif, selon Puren, est de vérifier l’hypothèse suivante : « le processus d’apprentissage d’une langue par un apprenant consistant dans une évolution positive de son interlangue, sa réflexion sur ses erreurs facilite fortement cette évolution ;
- C) La comparaison de progression chez plusieurs classes « ou sont organisées des activités ludiques systématiques, et d’autres ou elles sont absentes ».
Il semble que, au contraire, de « l’application » en recherche dans le domaine de didactique, « l’expérimentation » nécessite des groupes qui ne soient pas soumis à l’expérimentation, c’est-à-dire de groupes-témoins.
3-6-3 La méthode hypothético-déductive
Christian Puren définit la méthode hypothético-déductive en relation avec les domaines des sciences humaines. Pour Puren, il y a une méthode hypothético-déductive lorsque « l’hypothèse initiale peut ne pas être à proprement invalidée, mais doit être modifiée : reformulée, précisée, soumise à conditions, etc… ». Puren illustre sa définition par l’exemple de la didactique de grammaire lorsqu’il propose de demander aux élèves d’induire des hypothèses sur la règle à partir des énoncés, puis de les vérifier en s’assurant si la règle est applicable sur d’autres exemples afin de « déduire » » l’applicabilité de la règle. Si les exemples n’en obéissent pas, les apprenants se trouvent dans l’obligation de modifier la première règle.
3-7 Méthode quantitative/ Méthode qualitative
3-7-1 Méthode quantitative
Ce type d’analyse des données se caractérise, selon Puren, par « sa qualité liée à la quantité et de la représentativité des personnes enquêtées, de la rigueur, du traitement statistique, de la clarté du mode de présentation finale des données et enfin de la pertinence des analyses et interprétations qui en sont faites du point de vue didactique et par rapport à la problématique de recherche ». De même, Puren souligne que l’analyse quantitative est souvent applicable lorsqu’il s’agit des résultats des données collectées des questions destinées aux apprenants ou aux professeurs. Par ailleurs, ce type d’analyse est, selon Puren, aussi faisable pour les données recueillies des observations de classes ou des matériels didactiques, lorsque le chercheur élabore des grilles adoptées.
Pour mener une analyse quantitative, Christian Puren propose aux chercheurs en didactique des recommandations techniques pour une bonne fin académique :
- A) Les questionnaires doivent testés auprès de quelques individus, puis le chercheur peut les mettre en ligne ou les distribuer ;
- B) Toute démarche menée doit être présentée et justifie le choix et la manière de conception des questionnaires ;
- C) Pour présenter et interpréter les résultats, il faut prendre en considération le nombre des personnes répondant à l’enquête ;
- D) Il faut savoir que les chiffres des données ne se considèrent importants que si ces données sont analysées entre elles et interprétées en relation avec la problématique de recherche.
3-7-2 La méthode qualitative
Au contraire de la méthode quantitative qui se caractérise par le fait de « mesurer les phénomènes », la méthode qualitative, selon Puren, repose sur la « compréhension » la nature et la qualité des phénomènes. Cette caractéristique fait de la méthode qualitative la démarche d’analyse la plus propice aux exigences épistémologiques du domaine de la didactique des langues-cultures. Dans ce sens, on peut citer le modèle d’analyse qualitative de Huber Man et Miles qui vise les constituants empiriques sous forme d’enregistrement, des entretiens, des observations et non pas des données chiffrées. De même, la démarche méthodologique de ce modèle repose également sur trois stratégies empiriques :
- A) Le chercheur est appelé à sélectionner les données empiriques, les concentrer, les simplifier, les abstraire et les transformer pour les condenser ;
- B) Ces données doivent être présentées sous forme de diagrammes, tableaux, de matrices graphiques dans le but de « tirer des conclusions » ;
- C) Ces conclusions doivent être élaborées et vérifiées par une reproduction de résultat dans un « autre ensemble de données ».
3-8 La méthode historique
Dans la conclusion générale de son article « Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues », Puren liste trois leçons qu’apporte cette perspective historique, et qui sont utiles pour tout chercheur en didactique des langues, expérimenté ou novice :
- A) Leçon de modestie : Puren veut dire par cette leçon que tout chercheur quel que soit son profil académique (formation, expérience, fonction,…) adopte les avantages et les inconvénients de différentes méthodologies inscrites dans l’histoire pour se rappeler ses insuffisances et ses contradictions. Autrement dit, puisque toute méthodologie est exposée à la critique, la même chose s’applique au chercheur en didactique des langues-cultures ;
- B) Leçon de prudence : Puren ajoute que tout chercheur en didactique des langues-cultures devient prudent «vis-à –vis des effets de cohérence du discours méthodologique et des effets pervers de la cohérence des constructions méthodologiques, qui tendent toutes à fonctionner, avec ou malgré leurs auteurs»;
- C) Leçon de réserve : Puren, en se basant sur « la perception de la complexité et de la permanence des problèmes fondamentaux » de la didactique des langues vivantes qu’offre l’histoire, ne laisse aucune chance pour les discours d’autorité, qu’elle soit issue de la science (les notions théoriques liées au domaine de la didactique des langues vivantes), ou de l’expérience (les pratiques et les expérimentations individuelles ou collectives).
3-9 La didactique comparée des langues
En didactique comparée des langues, Puren souligne sept approches à suivre :
3-9-1 L’approche compréhensive
Puren définit « l’approche compréhensive » en relation avec la didactique comparée des langues comme approche qui est empruntée à l’opposition bien connue des spécialistes du domaine entre une sociologie critique à la Bourdieu, dans laquelle le chercheur se propose de révéler des réalités dont la majorité des acteurs ne seraient pas conscients (ce qui permettrait en particulier à une minorité d’entre eux de les utiliser à leur profit), et une sociologie compréhensive à la Max Weber, qui se centre sur les acteurs dans leurs environnement en valorisant leur conscience, leur expérience et leur intentionnalité, c’est-à-dire leur degré de « compréhension » réelle ( d’où l’appellation de cette approche) des jeux auxquels ils ont soumis, des enjeux auxquels ils sont confrontés, des actes qu’ils réalisent et des projets qu’ils construisent. (PUREN 2020 :3)
Alors, cette approche est parallèlement liée à un processus paradigmatique compréhensif dans le domaine des sciences sociales. Celles-ci entretiennent partiellement une relation avec l’épistémologie de la didactique des langues-cultures vu que les deux, sciences sociales et ladite épistémologie, vise dans leurs études des « acteurs » en liaison avec un cadre « institué ».
3-9-2 L’approche environnementaliste
Puren juge l’approche environnementaliste ou l’approche de la contextualisation comme paradigme où l’accent est mis sur la complexité régissant l’objet d’étude et son environnement.
En épistémologie, la didactique des langues-cultures s’inscrit dans, partiellement, dans la même logique des « sciences de l’ingénierie ». Elle repose sur la conception d’un processus d’enseignement-apprentissage, et non pas l’analyse des langues ou des cultures (objet d’enseignement-apprentissage).
3-9-3 L’approche qualitative
La recherche en didactique des langues-cultures porte sur le paradigme de qualité. Il y a, selon Puren, plus de « l’analyse qualitative » que de « l’analyse quantitative », car les chercheurs en didactique des langues-cultures ne travaillent pas sur des chiffres, mais également sur des mots recueillis sur terrain par des questionnaires, entretiens, étude des écrits, observation, etc.
3-9-4 L’approche pragmatiste
Puren affirme que les spécificités de la didactique des langues-cultures s’adaptent au modèle épistémologique pragmatique américain. Pour les pragmatistes américains, la vérité ne renvoie pas à la réalité ; c’est le critère de « pertinence et de l’efficacité » qui régit la réaction de tout projet dans son contexte. Si la connaissance est conçue positivement pour représenter la réalité, les didacticiens de langues-cultures s’opposent à la « représentation », ils choisissent « confronter » la connaissance avec la réalité.
3-9-5 L’approche complexe
Il faut dire que, selon Puren, la nature de l’objet de la didactique des langues-cultures est complexe. Même si l’objet se découpe d’une manière fine, la complexité reste inhérente à ses parties, chacune reste constituée d’éléments « variables », hétérogènes, pluriels,…. De ce fait, Puren ne souligne que le modèle épistémologique en didactique des langues-cultures s’inscrit dans un cadre complexe nécessitant la recherche axée sur deux profils :
- A) Les divers types de relation (relation d’opposition, relation d’évolution, de continuum, de contact,…) ; des relations qui peuvent être tissées entre des éléments opposés. Dans ce sens, Puren donne des exemples de ses relations « le processus d’enseignement et le processus d’apprentissage, la « forme » et le « sens », la « langue » et la « culture »… ;
- B) Les multiples perspectives qui vont permettre d’aboutir à l’impossible « vérité ultime » sur ses objets de recherche (laquelle serait par ailleurs fort inquiétante dans un domaine où la subjectivité et l’intentionnalité des acteurs sont des paramètres décisifs…), d’en donner la perception la plus complexe en enchaînant différentes perspectives, comme lorsque l’on examine les diverses facettes d’un objet en le faisant tourner entre ses mains.(PUREN 2020 :4)
La complexité est l’un des piliers du comparatisme dans le domaine de didactique des langues-cultures : analyser un élément didactique repose également sur la comparaison de multiples perspectives en diversifiant les angles d’observation d’une manière successive.
3-9-6 L’approche constructiviste
Il est connu que la recherche en didactique des langues-cultures est dominée actuellement par le paradigme cognitif. Dans ce modèle cognitif, l’apprentissage de la langue est considéré, selon Puren, comme « un processus cognitif de construction, déconstruction reconstruction permanent par chaque apprenant de ses représentations conscientes et inconscientes concernant le fonctionnement de la langue et de la culture étrangères, représentations produites en particulier par le contact de celles-ci avec la langue et la culture maternelles » (PUREN 2020 : 5). Ce paradigme cognitif entretient un rapport avec l’approche comparatiste,, car, en dépit « des activités réflexives de comparaison explicite entre les deux « langues et les cultures », il conduit à la valorisation des activités « méta-réflexives de comparaison explicite entre les modes et les tâches d’apprentissage et les modes et les tâches d’enseignement »(PUREN 2020:5).
Puren ajoute que l’élargissement de l’approche comparatiste, à l’instar et dans le même sens de l’approche constructiviste, est à la fois possible et obligé afin d’étudier les phénomènes de rapport :
- A) Entre l’enseignement et l’apprentissage sur le plan des méthodologies des cultures, des traditions didactiques et pédagogiques, les spécificités des individus, les environnements… ;
- B) Et entre les « didactiques des langues-cultures étrangères ».
3-9-7 L’approche comparatiste
Puren défend un projet de construction d’une didactique comparée interdisciplinaire, qui oblige les didacticiens de langues-cultures de travailler alors de façon plus réticente, parce que :
- A) La conception de la dite didactique comparée interdisciplinaire est faite dans le domaine général des sciences de l’éducation, ce qui rend la didactique des langues-cultures une discipline non-autonome ;
- B) Les didactiques des sciences exactes ont un impact sur la didactique comparée interdisciplinaire, notamment les mathématiques (sur le plan de la transposition didactique). Celle-ci, au niveau méthodologique, ne s’adapte pas en didactique des langues-cultures, vu que l’objectif est l’apprentissage d’un savoir-faire social en langue-culture, et non pas « un savoir scolaire en rapport avec un savoir savant ».
4 Conclusion
Tout travail de recherche en didactique des langues doit reposer sur cette conduite méthodologique, pour un bon cheminement épistémologique. Certes, chaque travail appartient à un type précis et à une méthode précise de recherche. Mais, le chercheur en didactique des langues est le maître qui devrait sélectionner ce qui va et ce qui ne va pas avec sa recherche.